Québec Urbain

L’Urbanisme de la ville de Québec en version carnet…


Normand Provencher: L’exemple de Winnipeg

Par Envoyer un courriel à l’auteur le 11 janvier 2005 5 commentaires

On a longtemps ri de Winnipeg. Dans les années 70, Stéphane Venne faisait chanter à Pierre Lalonde que les nuits étaient longues dans la capitale du Manitoba, que là-bas, la terre était plate, pas ronde, plate comme la vie. La toune, mémorable, disait aussi qu’à Winnipeg, les filles étaient noires, brunes et blondes, mais Lalonde n’en avait pas envie, tant pis pour lui.

Même si à peu près personne n’avait mis les pieds à Winnipeg moi le premier, la chanson a fini par faire son chemin dans l’imaginaire collectif. La preuve, une trentaine d’années plus tard, je suis là à vous en parler. Va-t-on se souvenir de Saskatchewan, des Trois Accords, en 2035 ? Pas certain.

Toujours est-il que Winnipeg a longtemps partagé un point commun avec Québec, et ce n’étaient pas les filles noires, brunes et blondes d’une nuit sans fin. A l’époque de l’Association mondiale de hockey, puis, pendant quelques années dans la Ligue nationale, les deux villes possédaient une équipe de hockey professionnel de premier plan.

La suite, tout le monde la connaît. Les Nordiques ont déménagé au Colorado, il y aura bientôt 10 ans, et les Jets sont passés des plaines de l’Ouest au désert de l’Arizona, en devenant les Coyotes de Phoenix. Faudrait envoyer Stéphane Venne et Pierre Lalonde voir de quoi elles ont l’air, les nuits à Phoenix…

Winnipeg et Québec ont perdu leur club de la LNH et c’est bien dommage, mais la première pourrait causer une étonnante surprise, dans un avenir rapproché, en obtenant une nouvelle franchise, sous l’impulsion d’un jeune maire dynamique, qui ne semble pas avoir les deux pieds dans la même bottine, et d’hommes d’affaires déterminés à ce que ça bouge dans leur ville. Et on fait quoi pendant ce temps à Québec ? Rien, on attend le Messie, on cherche à savoir qui se cache sous la peluche de Bonhomme Carnaval. Parfois, la nuit, on se compte chanceux de ne pas habiter Winnipeg.

Je vous parle de Winnipeg, car la ville a sensiblement le même profil que Québec. Une population de 620 000 personnes, un taux de chômage de 5,2 %, un budget annuel de 970 millions $. Pourquoi alors la LNH pourrait-elle renaître là-bas et pas ici ? Tout simplement parce que les autorités locales ont décidé que le vétuste Winnipeg Arena, théâtre des exploits de Bobby Hull, Anders Hedberg et compagnie, n’était plus de son temps. L’automne dernier, la Ville a inauguré un complexe sportif dernier cri au centre-ville, le True North Entertainment Complex. Un amphithéâtre de 125 millions $, d’une capacité de 15 000 spectateurs, qui peut accueillir autant des matchs de hockey que des concerts rock.

Avec pareille carte maîtresse dans son jeu, Winnipeg a décidé qu’il n’était pas impensable de faire revivre le hockey professionnel majeur. On lorgne les clubs de la LNH en difficultés financières. Et avec un lock-out qui s’éternise, ils seront un bon paquet dans peu de temps, à Columbus, Nashville, Tampa Bay et Anaheim. Dans ces villes, à peu près personne ne s’est rendu compte qu’il n’y avait pas de hockey depuis cinq mois. Rien à voir avec la passion qui anime des villes comme Winnipeg et Québec.

Lorsque le conflit prendra fin, car il faudra bien en voir la fin un jour, la donne pourrait être complètement différente, surtout si la Ligue et les joueurs s’entendent sur un contrôle des dépenses et un partage des revenus. Rien ne dit que la LNH ne pourrait pas alors faire un retour dans des petits marchés canadiens qu’elle a désertés, particulièrement avec un dollar canadien qui continue à prendre du pic par rapport à la devise américaine.

Winnipeg figure en bonne position car elle a fait exactement ce qu’il fallait faire dans les circonstances, soit construire d’abord un édifice moderne, adapté aux nouvelles réalités du sport et du divertissement, ensuite enclencher le lobbying. L’inverse ne fonctionne pas. Une ville doit oublier l’idée d’obtenir une concession de sport majeur si elle n’a pas des équipements de premier plan. C’est le cas à Québec. Le Colisée Pepsi est un amphithéâtre d’une autre époque, complètement dépassé.

L’un des instigateurs de la naissance des Nordiques, Marius Fortier, a signé une lettre ouverte éloquente à ce sujet, hier, dans le courrier des lecteurs du SOLEIL. Son fils Jean est cosignataire du texte.

En gros, Fortier père et fils demandent aux gens de Québec de renouer avec le rêve, comme au début des années 70, à l’époque de l’Association mondiale de hockey. Personne ne croyait alors à ce projet et pourtant…

Ce projet rassembleur est la construction d’un amphithéâtre de 22 000 à 25 000 sièges, capable de répondre aux standards du sport et du divertissement. Un amphithéâtre qui permettrait à la Ville de Québec de rêver au retour du hockey professionnel, plutôt que d’avoir à se contenter de sous-produits.

On parle de hockey professionnel, mais il manque aussi à Québec son lot d’infrastructures pour d’autres disciplines. La popularité croissante du Rouge et Or de l’Université Laval fait rêver à la venue d’une équipe de la Ligue canadienne de football. Fort bien, mais il est où ce stade qui servirait à la fois au football et au soccer, un autre sport en pleine expansion ?

L’anneau de glace Gaétan-Boucher n’est également plus ce qu’il était. Oubliez les compétitions d’envergure. Si Gaétan Boucher avait 20 ans de moins et qu’il s’entraînait pour les Jeux olympiques de Turin, c’est à Calgary qu’il devrait s’exiler afin de viser une médaille. Il ne pourrait le faire à Québec.

La construction d’un nouvel amphithéâtre à Québec est loin de faire l’unanimité. Plusieurs diront que le Colisée Pepsi fait parfaitement l’affaire pour le hockey de la Ligue junior majeur, le Tournoi pee-wee et les shows de Metallica. Mais pour le reste, rendons-nous à l’évidence, Québec n’est plus dans les ligues majeures.

Il y aura élections municipales en novembre, d’ici là une campagne électorale. Pour celui qui aspire à chausser les souliers de Jean-Paul L’Allie, ce sera le moment de connaître sa vision d’avenir de la ville. A-t-il des plans pour faire de Québec une ville qui pourrait retrouver une fierté sportive ? Aura-t-il suffisamment d’ascendant pour convaincre la communauté d’affaires et l’entreprise privée de faire front commun avec lui ? Compte-t-il faire partie de la parade ou continuer à la regarder sur le trottoir ?

Et à la clé, l’ultime question : en viendrons-nous à regretter de ne pas habiter Winnipeg ?


Normand Provencher, 11 janvier 2004. Reproduit avec autorisation

Voir aussi : S'inspirer d'ailleurs.


5 commentaires

  1. Jean Cazes

    11 janvier 2005 à 11 h 27

    Bel article, en effet!

    Pour voir en détail ce bel immeuble solidement implanté au centre-ville: http://www.truenorthproject.mb.ca/demo.html

    Pendant ce temps, à Québec? Pas grand chose… Si un tel projet est relancé ici, pourquoi pas, enfin, dans le secteur de la Pointe-aux-Lièvres, plutôt que dans un champs de patates comme Lebourgneuf…

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  2. Simon Bastien

    11 janvier 2005 à 13 h 25

    On dira ce qu’on voudra, c’est le genre de projet qui peut stimuler une région et attirer les investissements. Et les infrastructures modernes, autant pour les gros spectacles que pour les sports professionnels, c’est une des grosses faiblesses de Québec. On dirait que tout le monde a peur de se mouiller dans ce domaine ici. Mais non, nous, on s’obstine encore sur quel bout de gazon et quel coin de rue on va refaire à temps pour le 400ième.

    Certains diront que la région a aussi besoin d’infrastructures plus communautaires, plus locales. L’un n’empêche pas l’autre, mais il n’y a pas que le gouvernement pour investir; on pourrait solliciter davantage les entreprises privées.

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  3. jaco

    11 janvier 2005 à 14 h 17

    La seule chose que Provencher passe sous silence alors qu’il devrait être écrit en super grosses lettres à caractère gras:  » Le true north complex est une initiative du secteur privé… »
    « The $133.5 million project to build the new entertainment centre is a private sector driven initiative – with 70 per cent ($93 million) of the capital provided by the private sector and the remaining 30 per cent ($40.5 million) shared by three levels of government.  »
    Donc si je calcule bien $ 40 m/3 = $13 millions pour la ville de winipeg. Intéressant!

    Opinion personnelle(ne lisez pas):  » Même chose avec le « Modele Québécois » = $130 millions pour la ville de Québec… Ouain! beaucoup moins intéressant!
    Le chialage à québec c est ca aussi: (la pensée double): « je vais défendre de toute mes forces le modele Québécois du tout à l’État » puis 5 minutes plus tard dire: » je pense que je vais déménager à winipeg car ils sont plus entreprenants… »

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  4. Bernard Bastien

    11 janvier 2005 à 23 h 20

    On cherchait pas quoi faire avec le bout mal-aimé de d’Estimauville?

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  5. Manu

    11 janvier 2005 à 23 h 43

    Je trouve en effet qu’à plusieur points de vue « urbains », Winnipeg ressemble à Québec, autrement dit, elle est comparable.

    Je viens toutefois de penser à quelque chose qui peut faire une différence : il y a à 250km d’ici la 2e plus grosse ville du pays. Les gens de Québec font l’aller-retour dans la journée/soirée pour aller y voir un show, les feu-Expos.

    Ainsi, vu par quelqu’un de l’extérieur : il suffit de faire un show à Montréal et pas besoin de passer à Québec. Même chose pour les investissements : tant que le monde autour est prêt à aller à Montréal, aussi bien concentrer les efforts et l’argent à Montréal jusqu’à ce que ce soit saturé, on ira ailleurs en suite.

    Là, pour ceux qui lisent vite, je vous rappelle que c’était pas mon opinion que je viens de décrire :)

    À Winnipeg, c’est ça ou c’est rien. Regina est à 500km et c’est pas gros! Toroto, 2300km, une fin de semaine de route pour y aller, ou Calgary 1300km, une grosse journée de route. Autrement dit, pour puiser dans le marché de Winnipeg, il faut être à Winnipeg. Pas à Québec…

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