(Un papier du journal Le Devoir)
En 1987, le rapport Brundtland lançait le concept de «développement soutenable». Dix-huit ans plus tard, de nombreux projets ont été mis de l’avant dans plusieurs villes autour du globe pour mettre en oeuvre ce que l’on nomme désormais le «développement durable». Aucun recensement de ces initiatives n’avait cependant été effectué avant qu’un regroupement québécois ne se lance dans cette énorme tâche.
La construction du système léger sur rail de la ville de Strasbourg a été fort controversée et assez coûteuse, mais la diminution du nombre des véhicules dans le centre-ville et la revitalisation des espaces publics compensent aujourd’hui le dépassement des coûts.
L’organisme Vivre en ville, le regroupement québécois pour le développement urbain, rural et villageois viable, a ainsi conçu une trousse multimédia qui présente plus de deux cents actions amorcées un peu partout dans les agglomérations du monde. Après quatre années de recherche et un investissement de 600 000 $, le regroupement de près de 300 membres peut se targuer de posséder un produit unique proposant des solutions concrètes aux enjeux actuels des municipalités : «À la base, la trousse a été conçue pour faire de la sensibilisation et de la formation auprès des élus», explique le directeur général de Vivre en ville, Jérôme Vaillancourt. Mais cette véritable boîte à outils rejoint maintenant une clientèle beaucoup plus vaste.
Une boîte à outils
La Trousse d’actions vers des collectivités viables renferme un cédérom interactif, deux heures de vidéos documentaires et un livre de 700 pages présentant des études de cas. «Lors du colloque international que nous avions organisé en 1999, on s’est rendu compte qu’il n’existait pas d’outils qui regroupaient les techniques et les projets de développement durable mis sur pied à travers le monde, d’où l’idée de réaliser un guide pour répertorier tout cela», précise Jérôme Vaillancourt. En indiquant les obstacles rencontrés, les moyens pris pour les surmonter et les gains sociaux et économiques réalisés, l’ouvrage final entend servir d’inspiration pour parer aux problèmes des municipalités.
Un exemple : la présentation du système léger sur rail de la ville de Strasbourg. En raison de l’augmentation de la pollution, de la circulation et du bruit causé par les automobiles, le conseil municipal de la ville a décidé de faire construire un tramway. Malgré les critiques sur le manque de mobilité d’un tel système, la laideur des fils électriques nécessaires et la perte de voies cruciales pour les voitures, le projet a néanmoins vu le jour. À cause des caractéristiques désirées (planchers bas pour un accès facile, grandes vitres lumineuses, trains silencieux), le projet a dépassé de 20 % la moyenne des coûts pour ce type d’infrastructure. La diminution du nombre des véhicules dans le centre-ville et la revitalisation des espaces publics compensent aujourd’hui amplement le dépassement des coûts. Et c’est toute la municipalité qui profite maintenant de cette nouveauté.
Une réussite québécoise
Les projets présentés ne proviennent pas uniquement des grandes villes : on y montre notamment l’aménagement du village québécois autochtone d’Oujé-Bougoumou. Le plan d’aménagement circulaire de cette municipalité de 750 âmes est désormais un modèle mondial de développement durable. On y rappelle aussi que cette initiative québécoise a obtenu une invitation à l’Exposition universelle d’Hanovre en 2000.
Bien qu’une ville regroupant toutes les initiatives comprises dans cette Trousse d’actions relève de l’utopie, les pistes de solution qu’elle renferme forment une collection d’informations utiles et pratiques pour s’orienter vers un développement réellement durable. L’idée n’est d’ailleurs pas tant de calquer fidèlement ces projets que de s’en inspirer et les adapter aux différentes caractéristiques locales.
Si l’objectif initial de l’organisme était de vendre sa trousse aux municipalités, sa clientèle s’élargit maintenant aux universités (où le livre serait déjà, dans certains cas, une lecture obligatoire), aux architectes et promoteurs immobiliers ainsi qu’aux citoyens intéressés. «La réponse dépasse ce que l’on avait prévu, dit Jérôme Vaillancourt. Nous avons sous-estimé la demande des citoyens par rapport à notre produit. Cela démontre que les gens sont de plus en plus sensibles au développement de leur ville et nous pouvons maintenant les éveiller à de nouveaux projets dont ils n’avaient probablement jamais entendu parler auparavant.» La popularité grandissante de la trousse permet maintenant d’envisager la production d’un DVD bilingue pour rejoindre le marché anglophone en Amérique du Nord. Ce qui pourrait améliorer la situation financière de l’organisme.
Vivre en ville
Fondé en 1996 par un petit groupe de personnes ayant constaté l’absence d’un véritable organisme de développement urbain au Québec, Vivre en ville s’est donné pour mission «l’amélioration de la qualité de l’environnement et des milieux de vie par la recherche d’un aménagement du territoire optimal, contribuant au bien-être physique et psychologique de la population». Vivre en ville orchestra notamment en 1999 le premier colloque international Vers des collectivités viables, qui a rassemblé près de 65 conférenciers provenant de différents pays. Un second événement de ce type fut également organisé en 2001 sous le nom de Forum des villes habitables pour tous.
Le regroupement étant une organisation non gouvernementale à but non lucratif, le financement de ses activités quotidiennes est le plus gros problème auquel il est confronté : «Nous n’aurions pas pu faire la trousse sans l’aide financière de nombreux partenaires, dit le directeur général de l’organisme. On a cependant encore besoin de nouveaux projets pour continuer à fonctionner». Si la Trousse d’actions se vend bien, Vivre en ville continue d’effectuer des demandes de subventions pour «faire lever des projets».
Et ils sont nombreux : une campagne de sensibilisation sur l’herbicyclage à Québec, un calendrier permanent sur la qualité de l’air intérieur des bâtiments (Calend’AIR), le développement des toitures et des murs végétaux (mousses et plantes qui permettent de prolonger la durée de vie des toits et des murs tout en améliorant l’isolation), des «visites vertes» pour démontrer pratiquement divers aspects permettant de préserver les ressources, un jeu de société pour acquérir des connaissances sur les différents rôles des arbres et des végétaux que l’on retrouve en milieu urbain, un soutien à la démocratie locale pour faciliter la participation citoyenne, un programme communautaire de réduction de la facture d’énergie (PCRFÉ) et plusieurs autres.
Développement durable
Vivre en ville est aussi actif dans la promotion de l’utilisation accrue de la bicyclette comme moyen de transport. «Mais il faut une volonté à divers niveaux : il faut construire des pistes cyclables utilitaires et non seulement récréatives, il faut aussi des employeurs conciliants qui mettront des vélos disponibles pour leurs employés, installeront des rangements sécurisés ou équiperont simplement leurs locaux de casiers et de douches», lance Jérôme Vaillancourt.
Autre projet d’importance : Vivre en ville espère mettre au point une certification de collectivité viable. En clair, il s’agit que le développement d’une collectivité soit réalisé selon des critères de développement durable autant pour la construction des immeubles, l’aménagement du quartier, la présence de services essentiels comme l’alimentation dans un rayon accessible à pied, d’écoles et de services de santé, en plus d’essayer d’harmoniser la densité et la diversité de la population. Bref, donner au projet d’ensemble une direction respectant des caractéristiques viables. Une fois les critères établis, la mise sur pied d’un projet visant à démontrer comment fonctionne ce processus de certification constitue la prochaine étape de l’organisme. «Pour démontrer concrètement les gains réalisés», résume Jérôme Vaillancourt. Une manière aussi de déterminer comment coter pratiquement les critères établis. Peu banale comme démarche, mais qui pourrait provoquer une véritable révolution dans nos façons de développer nos cités.
Christian Lévesque
19 décembre 2006 à 09 h 42
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