Merci à M. Pierre Dubeau de nous soumettre cet article sur Robert de Villeneuve.
source: Dictionnaire biographique du Canada en ligne
VILLENEUVE, ROBERT DE, ingénieur, cartographe, dessinateur, probablement élève de Vauban qui, au début de 1685, l’a recommandé comme ingénieur militaire de la Nouvelle-France ; né vers 1645, mais on ignore à quel endroit, et décédé en France après 1692.
Arrivé à Québec au début de mai, Villeneuve se conforme aussitôt aux instructions qu’il a reçues du roi. À l’analyse des ouvrages qu’il exécute de juin à novembre 1685, on constate que Versailles l’a chargé de faire des relevés précis du promontoire de Québec, en vue de fortifier la ville.
Son premier ouvrage est un plan de Québec. On y voit, indiquées à l’échelle, les maisons qui s’y trouvaient alors. On y remarque aussi deux traits qui se coupent à angle droit ; l’un passe au centre de la rue Sous-le-Fort ; l’autre est parallèle au château Saint-Louis. Sur le trait est-ouest, l’ingénieur bâtit une coupe qui montre les reliefs du rocher de Québec et la silhouette des édifices de la haute et de la basse ville. C’est ainsi qu on a une idée précise du château Saint-Louis, que Huault de Montmagny avait érigé en 1647 ; c’était un long bâtiment couvert en pavillon, de proportions charmantes.
En dépit de nombreuses indispositions, Villeneuve fournit jusqu’en novembre une somme considérable de travail. Il fait des relevés à Trois-Rivières et à Montréal ; il se rend à Cataracoui et prend des esquisses du fort Frontenac et de ses environs. Entre-temps, l’intendant de Meulles* le charge de dresser les plans d’une poudrière qui doit être construite dans l’un des bastions du fort Saint-Louis ; le marché que François Genaple* rédigé le 12 août 1685 nous apprend le nom de l’entrepreneur, Jean Le Rouge*. Cette poudrière, terminée en 1686, a été démolie en 1893.
Villeneuve passe l’hiver de 1685–1686 à dessiner la carte des environs de Québec, à l’aide des notes qu’il a prises depuis son arrivée au pays. Puis il rédige un mémoire sur l’état du château Saint-Louis ; un autre sur le creusage d’un puits à la haute ville ; un troisième mémoire sur l’embellissement de la basse ville ; enfin, un quatrième sur l’état de la prison. C’est probablement à l’occasion de ces mémoires qu’éclate la mésentente entre le gouverneur Jacques-René de Brisay* de Denonville et l’ingénieur. Le 8 mai 1686, Denonville écrit à Versailles : « J’ai dessein d’envoyer à Niagara cette année le Sr Dorvilliers [Rémy Guillouet* d’Orvilliers] avec le Sieur de Villeneuve, dessin[at]eur que vous m’avez donné, afin d’en lever le plan […] Je verrai si je ne pourrai point moi-même y aller faire un tour pour pouvoir vous en rendre compte plus sûrement ; car pour s’en fier au Sr de Villeneuve seul, il est très bon, très sûr et très fidèle dessin[at]eur, mais pour le reste, il n’a pas l’esprit assez arrangé et l’a trop court pour pouvoir donner aucune vue pour l’establissement d’un poste et pour en avoir la conduite de son chef. » Souvent malade, mal adapté au climat, Villeneuve passe l’été et l’automne de 1686 à accumuler les croquis sur les environs de Québec, l’île d’Orléans, Montréal, Chambly et la Prairie-de-la-Magdelaine. Mais, écrit Denonville, il n’a « pas eu le loisir de les mettres au net ».
L’année suivante, la querelle s’aggrave. Les retards de Villeneuve dans l’exécution des relevés, sa brouille avec le major François Provost*, ses relations difficiles avec des fonctionnaires du roi, tout cela lui empoisonne l’existence. Denonville est exaspéré : « Notre ingénieur, écrit-il au ministre le 8 juin 1687, est un fou, un libertin, un débauché, dont il faut souffrir parce que nous en avons affaire […] C’est un panier percé. Cependant il travaille admirablement bien de la main et fort vite quand il veut. Monsieur de Vauban vous peut bien rendre compte de son caractère d’esprit. Si je ne l’avais logé chez moi et ne le nourrissais pas, je n’en aurais jamais pu rien tirer […] M. l’intendant vous rendra compte de la manière dont il a fait couvrir notre magasin [poudrière], la couverture de pierre faite en pavé n’ayant pas été suffisante pour empêcher l’eau de pénétrer dans les jointures, outre que la chaux et le ciment qu’on y a employés ne résistent point du tout à la gelée en ce pays […] » Le 6 novembre 1687, nouvelle lettre du gouverneur, contresignée par Bochart* de Champigny : « Il est fort bon dessinateur et entend à merveille à lever les profils d’une situation, ce qui est d’un grand secours pour Mr de Vauban qui, de France, nous peut envoyer un dessein pour bien fortifier la situation qu’on luy enverra d’ici […] »
Découragé, Villeneuve demande à repasser en France. Le lendemain, il change d’avis. Le 13 novembre 1687, il quitte la résidence du gouverneur et s’en va loger à la basse ville, chez Étienne Landron. Le 8 mars 1688, il reçoit de Louis XIV l’ordre de retourner en France ; cependant, avec l’autorisation de Denonville, il reste à Québec et continue son œuvre de cartographe. Enfin, Vauban lui sert une série de mercuriales qui, écrivent Denonville et Champigny le 6 novembre 1688, « l’ont rendu plus souple et plus traitable ». Rappelé de nouveau le 1er mai 1689, il met la dernière main à la carte des environs de Niagara, parachève le plan du fort Frontenac et quitte le pays en novembre 1689. Villeneuve retourne à Québec en avril 1691. Il n’a plus alors aucune autorité efficace. C’est son successeur provisoire, Jean-Baptiste-Louis Franquelin* qui, en juin 1691, trace les plans de la Batterie royale que Claude Baillif s’engage à construire au bout de la rue Sous-le-Fort. L’année suivante, Villeneuve veut repasser en France pour mettre Vauban au courant des reliefs du rocher de Québec. Il quitte définitivement le pays en novembre 1692.
Que Denonville et Champigny aient quelque peu exagéré les défauts de caractère de Villeneuve, c’est possible. Mais ils ont eu raison de louer son talent de dessinateur. Il était plus artiste qu’ingénieur. Et son goût du dessin sensible et précis nous a valu des œuvres charmantes – tels les excellents relevés de 1685 et le plan de Québec daté de 1691, démontrant l’état des fortifications de la ville pendant le siège de 1690.
Gérard Morisset
AJQ, Greffe de François Genaple, 12 août 1685, 13 nov. 1687.— APQ, Manuscrits relatifs à la Nouvelle-France, 2e série, 1614–1727, IV : 271, 370, 374, 380, 385 ; V : 209, 220, 234s., 237, 303s., 318, 408, 420s., 445, 448, 452s., 476, 617 ; VI : 111, 197s. VII : 240 ; Ordres du roi, XII : 65 ; XIII : 51 ; XV 36, 56, 104s. ; XVIII : 4.— Correspondance de Frontenac (1689–99), RAPQ, 1927–28 : 140s., 144.— P.-G. Roy, Le Sieur de Villeneuve, ingénieur du roi, BRH, X (1904) : 280–282.
Charlesbourg en 1685-1686 . Carte de Robert de Villeneuve
Source: Bibliothèque nationale de France. Dépôt du service Hydrographique de la marine
Carte complète de Villeneuve à la Bibliothèque nationale de France.
20 mai 2011 à 08 h 42
Travaillant en architecture et précisément dans la recherche architecturale des édifices conventuels de Québec sous le Régime Français, mes travaux m’ont amené à utiliser souvent la carte de Villeneuve comme base de départ.
Si son travail de 1685 est approximatif puisqu’il commence et n’a pu tout relever, sa dernière carte de québec datée de 1692 peut être considérée comme un chef d’oeuvre de précision et de pertinence. Par la qualité de son travail (précision des mesures, rendu exceptionnel de la morphologie des édifices relevés, etc.), nous pouvons affirmer sans crainte qu’il s’agit de la carte la plus précise, à grande échelle, qui nous soit parvenue de cette époque. Même le travail colossal de Chaussegros de Léry n’atteint pas la qualité de son ouvrage qui se superpose à merveille à nos plans CAD actuels.
Salut à un grand homme oublié!
Matthieu Lachance, M. Arch.
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