Cet article fait partie d’une série portant sur le premier plan d’urbanisme pour la Ville de Québec commandé par le maire Lucien Borne réalisé par Jacques Gréber, Edouard Fiset et Roland Bédard entre 1949 et 1956.
Ce texte est une contribution de Réjean Lemoine, historien, chroniqueur urbain à la radio et à la télévision et conseiller municipal du quartier Saint-Roch à la ville de Québec de 1989 à 1997.
La rivière Saint-Charles et ses abords font l’objet d’une attention particulière des urbanistes Gréber-Fiset. Les auteurs du plan d’aménagement souhaitent transformer « ce cloaque charroyant déchets et débris exposant un sol fangeux et ampuanti (sic) en une rivière agréable attrayante et utile ». La rivière Saint-Charles sert d’égout à ciel ouvert depuis le milieu du XIXe siècle, tant pour les déchets industriels que par ceux produits par les humains.
Dans un premier temps, les urbanistes souhaitent que l’on arrête toute navigation sur la Saint-Charles en amont du pont Samson. En effet dans les années 1950, la Saint-Charles était navigable jusqu’au pont Scott. Il propose alors un aménagement différent pour la rive nord et la rive sud de la rivière. Ils proposent donc sur la rive nord, après avoir nettoyé le lit de la rivière, d’aménager une promenade « qui suivra la berge du pont Samson jusqu’à la Petite Rivière » aujourd’hui Duberger.
L’idée de créer un sentier linéaire le long de la Saint-Charles apparaît à ce moment-là. Gréber et Fiset veulent créer à partir du parc Victoria une vaste bande de verdure qui traverserait les quartiers les plus populeux de la ville. Ils sont conscients du caractère utopique de leur proposition, mais ils pensent qu’en envisageant ce projet par étapes on pourrait un jour redonner son caractère récréatif à la rivière. Ce projet prendra plus d’un demi-siècle à se réaliser et n’est pas encore tout à fait complété.
Sur la rive sud, les urbanistes suggèrent d’enlever la voie ferrée qui traverse les quartiers Saint-Roch et Saint-Sauveur afin de créer un nouveau boulevard urbain est-ouest: le boulevard Saint-Charles. La première priorité du plan d’urbanisme est cependant de redresser le lit de la Saint-Charles afin d’éliminer la boucle de la rivière autour du parc Victoria.
Avec ce projet, les auteurs du rapport pensent pouvoir agrandir la superficie du parc Victoria. Mais surtout, ils veulent créer sur l’ancien lit de la rivière le tracé de leur nouveau boulevard Saint-Charles et y faire passer le futur boulevard Laurentien. Ce projet permettrait aussi la suppression des ponts Victoria et Parent et la création d’un stationnement pour les manifestations sportives au parc Victoria.
Dès le début de son premier mandat en 1954, le maire Hamel va s’engager à réaliser le projet visant à éliminer la boucle de la rivière autour du parc Victoria. C’est d’ailleurs la seule proposition du rapport qu’il s’empressera de mettre en œuvre. Le projet, évalué à 300 000 $. Il est accepté par les propriétaires de Québec à plus de 55 % des suffrages, à l’issue d’un référendum tenu en août 1955. Il se réalise à l’été 1957.
Le déplacement de la gare du Palais
Avec l’augmentation importante de la congestion automobile dans les années 1950, le problème des nombreux passages à niveau de voies chemins de fer dans la Basse-Ville, devient criant. Les auteurs du rapport Gréber-Fiset proposent une solution radicale. Ils suggèrent de fermer la gare du Palais et de la déplacer. Ils font deux propositions de réaménagement.
La première proposition suggère de déplacer la gare au carré Parent, situé à l’embouchure de l’actuel tunnel Samson. Cette proposition permettrait de condamner la gare de triage et les nombreuses voies ferrées derrière la gare du Palais et de garder uniquement la voie ferrée se dirigeant vers le nord. Sur ces terrains, on construira dans les années 1980, des condominiums, des coopératives et du logement social.
La deuxième proposition, plus audacieuse, amène l’installation d’une nouvelle gare ferroviaire à l’emplacement actuel du centre commercial Fleur de Lys. La façade principale de la gare donnerait sur un magnifique carrefour giratoire au coin des boulevards Hamel et Laurentien; site actuel du projet d’amphithéâtre.
Dans les faits, la voie ferrée qui traversait la Basse-Ville a été condamnée au début des années 1970 grâce aux pressions de Monseigneur Lavoie, curé activiste de Saint-Roch et de son comité de citoyens. Par la suite, les trains quitteront la gare du Palais en 1974 pour celle de Sainte-Foy pour y revenir moins de dix ans plus tard.
Sur le long terme, si les projets de Gréber et Fiset ont permis d’entreprendre la dépollution de la rivière au XXIe siècle, ils ont malheureusement contribué, dans les années 1950, à dénaturer la beauté naturelle du parc Victoria qui baignait dans un méandre de la rivière Saint-Charles. Ce projet de rectification du parcours de la Saint-Charles est le premier d’une longue série de projets d’ingénierie qui vont modifier le visage des quartiers de la Basse-Ville.
Au début des années 1960, la municipalité entreprend la canalisation de la rivière Lairet et du ruisseau Saint-Michel dans le quartier Limoilou. Tout cela pour finalement aboutir au grand projet de bétonnage des rives de la Saint-Charles par le maire Lamontagne, en 1966 au coût de $60 millions.
Sur le lit comblé de la Saint-Charles, le ministère provincial de la Voirie pourra réaliser l’autoroute Laurentienne, dans les années 1960. Cette autoroute pénètre alors jusqu’au cœur urbain du centre ville, tuant le dynamisme commercial des rues Dorchester et de la Couronne. Si les auteurs du premier plan d’urbanisme en 1956 pensaient la ville en urbanistes, ils céderont leur place dans les années 1960 aux ingénieurs Vandry et Jobin qui ne voient la ville de Québec qu’à travers des problèmes de circulation et de congestion.
Réjean Lemoine.
20 mai 2011 à 22 h 44
En passant, si ma mémoire est bonne, on retrouve la photo du parc Victoria (celle de ce billet) en grand format sur un mur d’un hall d’entrée au stade Victoria.
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21 mai 2011 à 01 h 33
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21 mai 2011 à 14 h 04
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