Le Devoir
Luc-Normand Tellier
Professeur émérite, Département d’études urbaines et touristique
J’aurai consacré toute ma vie professionnelle à l’enseignement de l’urbanisme. J’aurai fondé le Département d’études urbaines et touristiques de l’UQAM, il y a quarante ans, et conçu le tout premier baccalauréat en urbanisme de l’histoire du Québec. Je crois profondément à l’urbanisme, mais je me demande de plus en plus souvent si l’urbanisme québécois n’aurait pas fait fausse route.
Ce dernier a su se faire entendre et obtenir des législations qui ont permis à la profession de grandement se développer. L’urbanisme démocratique a pris racine. Des groupes de pression citoyenne se sont constitués et savent se faire entendre. Les référendums municipaux leur ont parfois servi de dernier recours. Les colloques et les publications se sont multipliés.
Cela dit, les interventions des uns et des autres sont généralement réactives et négatives. On s’oppose à tel ou tel projet. On monte au créneau. On crie au scandale face à des projets de démolition ou de construction. On dénonce certaines législations ou on en réclame de nouvelles.
De fait, notre société a accouché de deux types d’urbanistes : les « vocaux », qui critiquent sans cesse et déchirent leur chemise en public, et les « silencieux », qui engrangent les contrats et les promotions, qui font du fric et, parfois, se compromettent avec des promoteurs peu scrupuleux.
6 mars 2017 à 14 h 08
une auto = un vote
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6 mars 2017 à 18 h 12
Le travaille c’est déplacé vers la périphéri ou l’auto est reine
France : 62% du chiffre d’affaires commercial se fait en périphérie – See more at: http://www.urbislemag.fr/comment-la-france-a-tue-ses-villes-billet-356-urbis-le-mag.html#sthash.1l0wjhrd.dpuf
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6 mars 2017 à 23 h 59
J’ai eu la chance de vivre à Salamanca en Espagne. Une petite ville magnifique, vivante, de 215 000 habitants. Les terrasses sont pleines à craquer, l’architecture est remarquable. Tout se fait à pieds car la ville ne fait que 36km2 en incluant les terres agricoles. En fait la zone habitée doit faire 4 km x 4 km. Ce qui m’avait frappé c’était la coupure chirurgicale de la zone urbaine et rurale. Au lieu de céder à la tentation de l’étalement, cette ville s’était densifiée pour atteindre 5 000 hab/km2.
En comparant avec Québec, on réalise les ravages de l’automobile et surtout de l’échec des urbanistes et des dirigeants. Avec 800 000 habitants distribués sur 3 400 km2, on obtient le désastreux 250 habitants/ km2. Tous ces kilomètres de route nous coutent une somme pharaonique, sans compter la perte de temps en déplacement. Un cancer qui appauvrit les citoyens et qui détériore la qualité de vie.
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7 mars 2017 à 13 h 46
Ça fait près de 20 ans que je travaille en urbanisme et en aménagement du territoire. Et ça fait au moins 10 ans que ce constat d’échec, je l’ai fait moi aussi. Au mieux, l’urbanisme, tel qu’il est pratiqué au Québec, est inutile. Au pire, il est nuisible. Les urbanistes occupent pour la plupart des «bullshit jobs» ( http://www.lemonde.fr/m-perso/article/2016/04/22/dans-l-enfer-des-jobs-a-la-con_4907069_4497916.html)
J’ai souvent dit à la blague (quoique…) qu’on pourrait remplacer 90% des urbanistes au Québec par une vraie taxe sur l’essence (du genre 200%) et on obtiendrait probablement plus de résultats, plus efficacement : des villes plus vertes et plus conviviales.
Un des problèmes de l’urbanisme québécois, c’est qu’on a confiné les Villes dans un rôle de planification et de contrôle, alors qu’on a laissé le vrai développement à 100% entre les mains du capitalisme privé pur et dur. Ainsi, les urbanistes font de la planification qui n’est jamais mise en oeuvre. On planifie comme si c’était un but en soi. Et comme le développement reste entre les mains du privé, dès qu’un règlement ou un plan va à l’encontre de ces intérêts privés, on plie… Les urbanistes jouent dans une grande pièce de théâtre. On fait des règlements qu’on s’empresse de modifier dès qu’ils commencent à être contraignants.
Pour faire de l’urbanisme, il faut que les Villes deviennent de vrai acteurs immobiliers. Pour vraiment maîtriser son développement urbain, une ville devrait d’abord chercher à avoir la propriété du sol…
Imaginons ce qu’on pourrait réaliser si on demandait à la Caisse de Dépôt (Ivanohe Cambridge) d’investir une partie de son immense capitale financier ailleurs que dans les gratte-ciels de New-York ou de Londres… Comme cela se fait en Europe, la Caisse pourrait mettre son expertise en immobilier au service des municipalités : on pourrait créer des entreprises d’économie mixte dans lesquelles les Villes injecterait 50% du capital afin de mettre en oeuvre elles-même, avec l’aide de la Caisse, des projets de développement durables et innovateurs.
Voilà une des pistes de solutions (il y en a d’autres) pour sortir de l’urbanisme technocratique au service des intérêts privés.
En attendant ce changement de culture qui n’arrivera probablement pas, le Québec continuera d’être un cancre en urbanisme.
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7 mars 2017 à 15 h 24
« J’ai souvent dit à la blague (quoique…) qu’on pourrait remplacer 90% des urbanistes au Québec par une vraie taxe sur l’essence (du genre 200%) et on obtiendrait probablement plus de résultats, plus efficacement : des villes plus vertes et plus conviviales. »
Ajoutons à ça un vrai prix pour le stationnement et les hôpitaux auraient un peu de répit même avec une population vieillissante.
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7 mars 2017 à 15 h 56
Prix de l’essence et prix des stationnements, deux facteurs aux impacts énormes sur la morphologie d’une ville. Puis rareté des terrains aussi – par ricocher leur prix élevé. Si on avait mieux protégé les zones agricoles dès les années 60, les choses seraient certainement différentes aujourd’hui.
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7 mars 2017 à 18 h 42
Votre commentaire est juste! La maîtrise foncière et un peu plus retenu avant de mettre de côté les outils d’urbanisme au premier projet venu sont deux ingrédients essentiels qui sont manquants. On peut aussi ajouter les autres organisations publiques qui structurent le territoire sans réfléchir: ministère des transports (ou de la voirie…), SAQ, Société immobilière du Québec, commissions scolaires, etc…
Pendant ce temps, le gouvernement modifie la loi à la pièce, sans réflexions en profondeur, et nous amène à se déchirer sur la question référendaire, alors que le problème est beaucoup plus profond.
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8 mars 2017 à 00 h 38
Merci pour votre intervention très intéressante
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7 mars 2017 à 14 h 44
Bon, ben j’imagine qu’avec un article comme celui-ci les gens qui se montre contre tout les projets de 10- 15 étages au centre ville vont changer d’idée!!?. je doute par contre….
ce n’est pas a construire des bâtiment de 3 étages sur lebourgneuf que l’on travaille dans le sens a vouloir diminuer l’étalement urbain. ou encore de densification sauvage pour quelques jumelés…. d’ailleurs faudrait voir les commentaires des projet sur vos pages… l’arguement du trop haut, pas dabs ma cour revient très souvent…
Contre l’étalement urbain mais il faut construire de petits bâtiments, 4-5 étages !!! wow belle logique..
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7 mars 2017 à 16 h 56
M. Martin, en voyant votre commentaire, je ne crois pas que vous comprenez bien comment on peut densifier une ville…
Il est loin d’être nécessaire de faire des tours de 15-20 étages, mais plutôt d’utiliser et remplir les espaces vides dans la ville (les stationnements font partie de ces espaces sous utilisés). Allez voir la densité des moyennes et grandes villes européennes et dites moi si vous voyez des hautes tours à perte de vue?
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7 mars 2017 à 21 h 30
Pour certains intervenants ici le critère du nombre d’étages d’un projet relève plus de l’obsession compulsive que d’une analyse rationnelle. Sous ce qui semble une cause noble se cache un discours trompe-l’œil que l’on peut facilement déboulonner.
Quand le discours exigeant plus de hauteurs des projets revient si souvent ici sur Québec Urbain, comment peut-on seulement envisager qu’il est intelligent de critiquer ceux qui demandent des projets à une échelle plus humaine en écrivant « l’arguement du trop haut, pas dabs ma cour revient très souvent… » (sic)? Sans aucun doute pour ces personnes, les bottines ne suivent pas les babines!
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9 mars 2017 à 00 h 01
« On a, de bonne foi, mis en place une loi de protection des territoires agricoles pour freiner l’étalement urbain. Il y a d’excellentes raisons de croire qu’elle n’a rien freiné du tout. Tout au plus a-t-elle pu favoriser certaines manoeuvres licites ou illicites. On a, de bonne foi, mis en place des structures de planification sophistiquées, mais « les vraies affaires » restent entre les mains d’affairistes et de politiciens trop souvent peu soucieux d’urbanisme. »
– Luc-Normand Tellier – Professeur émérite, Département d’études urbaines et touristiques
Je me suis fait vilipender ici sur QU pour avoir écrit moins que ça. ;-)
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9 mars 2017 à 00 h 38
Excellent commentaire sur le site du Devoir!
Jean Richard – Abonné
6 mars 2017 10 h 32
« Absence de culture urbaine
Montréal, en tant que métropole du Québec, devrait être une sorte de locomotive de l’urbanisme. Mais pour que ce soit possible, il faudrait qu’elle soit dirigée par des gouvernants visionnaires et que ces derniers puissent jouir des pouvoirs nécessaires pour la faire avancer.
Des visionnaires ? Quand on se considère, on se désole, quand on se compare, on se console. Partant de ce principe, c’est clair qu’on va préférer l’actuel maire de Montréal à celui de Québec. Ça n’en fait pas pour autant un visionnaire, lui comme son équipe. On doute fort que notre maire soit invité par des universitaires outre-frontières pour y prononcer des conférences sur l’urbanisme, comme le fut Jaime Lerner par exemple. À Montréal, manque de ressources rime avec immobilisme. Pour M. Lerner, manque de ressource rime avec plus de créativité. Ce même M. Lerner qualifiait la voiture individuelle de cigarette du futur. À Montréal, elle est encore la reine qu’on craint de froisser en remettant en question ses énormes privilèges dont elle jouit.
Montréal pourrait se définir comme une métropole sans vision, dépourvue de pouvoirs politiques (sinon ceux qui permettent de magouiller) et façonnée par une carence de culture urbaine, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur. Le Québécois moyen serait-il un rural qui ne vit plus à la campagne et qui n’a jamais apprivoisé la ville et s’évertue même à la détester ? Serait-il victime d’une vieille morale enseignée par les curés de village, voulant que la ville soit un lieu de perdition ? Du haut de leur chaire, ces curés prêchaient que la ville, c’était le péché et que seule la campagne pouvait préserver la vertu. Le dénigrement de la ville visait à retenir à la campagne les jeunes attirés par la ville.
Bien sûr, les homélies des curés des siècles derniers ne sont pas l’unique raison du manque de culture urbaine des Québécois. Il faut fouiller davantage pour trouver d’autres causes – et espérer y remédier.»
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