Gilles Drolet, Auteur de la bande dessinée «Missionnaire en Nouvelle-France, Pierre-Joseph Marie Chaumonot», Anne Sigier, 1989, 2011 (épuisée)
Point de vue
Le Soleil
Qui a raison? Le maire Régis Labeaume qui affirme : «On est chez nous» (Jean-François Néron, Le Soleil, 18 décembre 2018), ou le Grand Chef de la nation huronne-wendat Konrad Sioui qui prétend : «On est en plein corridor de la seigneurie de Sillery. Ici, c’est notre seigneurie, alors on est toujours dans l’optique d’agrandir Wendake à l’intérieur de nos terres ancestrales» (Guylaine Bussière, Ici Radio-Canada, 5 décembre 2018)?
C’est le maire de Québec qui a raison.
La seigneurie de Sillery n’a jamais été destinée ni concédée aux Hurons. Dès le début du texte du roi de France du 13 mars 1651, il y a ces mots : « Afin de rassembler les peuples errants de la Nouvelle-France en certains réduits afin qu’ils soient instruits en la religion chrétienne, nous leur donnons l’étendue d’une lieue de terre le long du grand fleuve Saint-Laurent, sur quatre lieues de profondeur.»
La «réduction» de Sillery était donc destinée aux peuples errants c’est-à-dire aux peuples chasseurs nomades qu’on espérait rendre agriculteurs et sédentaires. En 1637, le père jésuite Paul Le Jeune avait mis ce projet en route, après avoir réalisé la difficulté d’évangéliser les peuples chasseurs nomades qui couraient les forêts.
Les Hurons exclus
Ainsi, dès le départ, le terme «peuples errants» exclut les Hurons, déjà sédentaires et agriculteurs dans leur pays, près du lac Huron en Ontario, et qui avaient des missionnaires chez eux. La seigneurie de Sillery ne leur était donc pas destinée.
Les Hurons de Wendake ont cependant voulu démontrer une présence huronne à la mission de Sillery en 1637 et en 1651, mais cette prétention est insoutenable au plan historique.
S’appuyant sur les Relations des Jésuites, ils affirment dans leur Mémoire présenté le 22 avril 2013 au Conseil du patrimoine culturel du Québec : «En 1637, les Jésuites ont fondé la mission de Sillery où des Hurons-Wendat se sont établis afin de se convertir à la foi chrétienne» (p.5).
Or, il n’y a pas de Hurons à Sillery en 1637, comme l’atteste clairement la Relation de 1643 : «La bourgade de Saint-Joseph, dite de Sillery, est composée de 35 ou 40 familles. Ces familles “arrêtées” [devenues sédentaires] sont composées de deux sortes de personnes, les uns Montagnais, les autres Algonquins» (RJ, Thwaites, 23:302).
Il y a une seule mention de Hurons à Sillery : en 1642-1643, de jeunes Hurons sont envoyés au père Jean de Brébeuf qui est temporairement à Sillery. Or, ils sont logés et nourris tout l’hiver «grâce à la générosité du Gouverneur et des Hospitalières» dont le premier hôpital est tout près de la mission. On écrit qu’ils «n’ont point d’autre lieu de retraite», ou que, «faute de lieu, nous fûmes contraints de les loger avec nos ouvriers» (RJ 24:102-118.184). Il n’y a donc pas de familles huronnes établies à Sillery pour les accueillir. Au printemps, ils s’en retournent dans leur pays.
Le Mémoire de la Nation Huronne prétend également «qu’en 1651 — année de la concession de la seigneurie de Sillery — des Hurons étaient établis à Sillery» (p.7). Mais le père Pierre-Joseph-Marie Chaumonot écrit, à propos des 300 Hurons arrivés à Québec, le 28 juillet 1650, suite aux massacres des Iroquois dans leur pays : «Au printemps 1651, je les conduisis à l’Île d’Orléans » (Autobiographie). Les Hurons sont toujours sédentaires et agriculteurs à l’île, et ils sont déjà chrétiens.
Les Hurons de Wendake opèrent donc un faux déplacement de Hurons à Sillery, pour affirmer que «selon les termes de la concession, ce sont les Hurons-Wendat qui étaient les seigneurs de Sillery» (p.7)!
Le projet du père Le Jeune de transformer des peuples chasseurs en peuples agriculteurs n’a pas réussi. En 1690, il n’y a plus de «peuples errants» à Sillery et les Jésuites redeviennent propriétaires de la seigneurie en 1702.
Le Mémoire de la nation huronne qualifie ainsi cette récupération de la part des Jésuites : «Manœuvres, tractations, spoliation, vol, dépossession, violation, usurpation des droits, malhonnêteté, voracité, injustice.» Les Jésuites ont pourtant accompagné leurs ancêtres dans tous leurs déplacements dans la région de Québec, et ce, pendant 140 ans, de 1650 à 1790!
À propos des terrains de la Défense nationale à Sainte-Foy, les Hurons-Wendat peuvent les convoiter, mais ils ne peuvent les revendiquer au nom d’un droit de propriété comme le fait le Grand Chef Konrad Sioui, appuyé trop rapidement par le député de Louis-Hébert, Joël Lightbound : «La Nation Huronne-Wendat a des revendications historiques , les terrains se trouvant sur l’ancienne seigneurie de Sillery» (Guylaine Bussière, Ici Radio-Canada, 5 décembre 2018).
31 janvier 2019 à 11 h 03
On est loin de la première pelletée de terre!
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