François Bourque
Le Soleil
Québec a choisi d’installer un pôle d’échanges d’autobus au Phare avant de savoir qu’un tramway viendrait ajouter à un défi technique déjà considérable.
Le choix de ce pôle d’échanges a été fait à l’automne 2017. Le scénario était alors de le raccorder à un service rapide par bus (SRB) ou un autre mode de transport de forte capacité sur le boulevard Laurier.
Lorsque le projet de tramway est arrivé, au printemps 2018, ce choix n’a pas été remis en question.
Québec s’étant déjà commis pour un pôle d’échanges au Phare, on a dessiné un tracé de tramway qui allait pouvoir le desservir.
À vue de nez, cela impliquait de parcourir environ 600 mètres supplémentaires et de faire plusieurs virages, ce qui n’est pas anodin étant donné que tout cela va se faire en tunnel.
Ce «détour» impliquait de revenir sur ses pas pour aller rejoindre l’axe du marché public de Sainte-Foy et de la rue Roland-Beaudin par où passe la ligne de tramway à destination de la rue Legendre, près du IKEA.
On se souvient que la Ville a refusé un détour qui aurait été nécessaire pour desservir l’immeuble de l’Agence du Revenu afin de ne pas ajouter aux coûts et au temps de parcours du tramway.
Qu’à cela ne tienne, la Ville de Québec assure que la «localisation du futur pôle d’échanges … aurait été la même considérant l’axe du tramway».
«Le choix de cet emplacement, comme celui des autres pôles, a été fait avec attention, en fonction des principales destinations de la clientèle actuelle et future, et d’une analyse fine de l’enquête origine-destination», explique la ville en réponse à mes questions.
«Le processus de sélection est parti d’un grand quadrilatère et s’est raffiné avec tous les critères exigés», dit-elle.
«L’emplacement choisi demeure stratégique, hautement fonctionnel et répond aux grands flux de déplacement régionaux», ajoute la Ville.
C’est possible, mais il est intéressant de savoir qu’il y avait sur la table un autre emplacement possible que le Phare lorsque la ville a fait son choix de pôle d’échanges. Un emplacement qui aurait permis une ligne de tramway plus directe et moins sinueuse entre le boulevard Laurier et l’axe de la rue Roland-Beaudin.
Des documents obtenus par la Loi sur l’accès à l’information indiquent que deux propriétaires du secteur Laurier avaient été invités en juin 2017 à soumettre des propositions pour le pôle d’échanges : Groupe Dallaire et l’Industrielle Alliance.
La proposition de l’Industrielle Alliance visait un vaste terrain de plus de 300 000 pieds carrés près de l’intersection de la route de l’Église et du boulevard Laurier.
On retrouve sur ce terrain le ministère de la Justice, un espace vert inoccupé donnant sur Laurier et surtout, de grands stationnements de surface courant jusqu’au boulevard Hochelaga.
Un détail pertinent sachant que les autobus qui viendront finir leur route au pôle d’échanges arriveront par Hochelaga.
Il y avait là un grand potentiel pour un terminus et du développement immobilier loin des contraintes des bretelles d’autoroutes et des accès aux ponts que l’on retrouve au Phare.
Selon mes informations, la proposition de l’Industrielle Alliance aurait permis de construire un pôle d’échanges en surface ou en souterrain.
Un processus de sélection a été tenu à l’automne 2017. Les deux soumissionnaires ont été rencontrés le 14 novembre par le comité de sélection qui s’est réuni le lendemain pour trancher.
Il y a eu des «échanges riches et vigoureux», rapporte le professeur d’éthique Yves Boisvert de l’École national d’administration publique (ENAP), qui avait mandat de veiller au respect des règles d’équité.
«Force fut d’admettre que l’un des deux projets s’est démarqué dans l’évaluation du comité et un écart de notes très significatif a permis aux membres du comité de confirmer facilement le consensus du choix», écrit aussi M. Boisvert dans son rapport du 20 novembre 2017.
(…)
ÇA COINCE DANS LE SOUS-SOL DU PHARE
La Ville de Québec assure que «l’emplacement du pôle d’échanges au Phare n’est pas du tout complexe». Je vieux bien la croire, mais ce n’est pas ce que j’entends.
Il est vrai, comme le plaide la Ville, que construire un terminus d’autobus sous un complexe immobilier n’a rien en soi d’exceptionnel. C’est une pratique courante dans les centres-ville où passent des lignes de transport structurant.
Ce qui complique ici les choses, c’est l’exiguïté de l’espace dans le sous-sol du Phare et la proximité des autoroutes et accès aux ponts.
Il faut tenir compte aussi que les appuis souterrains des quatre immeubles du projet le Phare, dont ceux de la tour principale de 65 étages, «grugent» dans l’espace disponible.
Cela pose un défi de conception et d’ingénierie pour loger les rampes d’accès des autobus en provenance de Hochelaga au nord et de Lévis au sud, les quais de terminus, les infrastructures publiques requises (aqueduc, égout, etc.), la connexion avec la station de tramway souterraine de la rue Lavigerie, etc.
Les ingénieurs vous diront que rien n’est impossible en ingénierie, pour peu qu’on y mette le prix. Et le temps.
Le projet de réseau structurant de transport en commun