Baptiste Ricard-Châtelain
Le Soleil
La conseillère municipale Marie-Josée Savard a récemment reçu une lettre de la Ville de Québec à son domicile. Un avertissement. Elle ne pourra plus rénover l’extérieur de sa maison, surtout pas la démolir, sans obtenir l’autorisation de la Commission d’urbanisme et de conservation de Québec (CUCQ). Un expert en patrimoine devra la visiter avant d’autoriser des travaux majeurs. Pas de passe-droit pour la vice-présidente du comité exécutif, justement responsable du dossier du patrimoine!
Comme plus de 500 de ses concitoyens, Mme Savard vient donc de constater par la poste que la mairie révise ses dossiers. Des centaines d’habitations de la capitale qui n’étaient pas classées comme ayant une valeur patrimoniale «supérieure» ou «exceptionnelle» pourraient prendre du galon. Ce qui les placera de facto sous l’autorité de la CUCQ, le bras de la municipalité chargé de préserver les bâtiments les plus signifiants.
«J’ai une vieille maison d’à peu près 200 ans», révèle Mme Savard durant une entrevue avec Le Soleil, à l’hôtel de ville. Une ancienne expertise n’avait toutefois pas conclu que la demeure méritait de se retrouver sous la chape municipale, malgré son âge. La politicienne aurait donc pu, par exemple, obtenir facilement un permis de démolition sans qu’on puisse s’interposer.
Elle devra maintenant se soumettre à un nouvel examen patrimonial.
Et, en attendant que le dossier de Mme Savard soit analysé — comme les 500 autres de la pile —, la Ville a décidé de jouer de prudence. Ces propriétés, qui ont «un fort potentiel», sont assujetties temporairement à la CUCQ.
Pourquoi cette soudaine offensive d’envergure de la Ville de Québec pour défendre le patrimoine immobilier? La réponse se trouve peut-être dans… les médias.
La maison Pasquier rasée. La maison Déry effacée. L’église Saint-Cœur-de-Marie disparue. La maison Pollack en décrépitude. La maison Jobin-Bédard sauvée in extremis par la ministre de la Culture…
Les assauts contre le patrimoine ont fait la manchette au cours des dernières années, ont soulevé les passions populaires. Et la municipalité n’a pas toujours joué le beau rôle.
«Ça a un peu ébranlé la Ville», évalue Martin Dubois, consultant de la firme Patri-Arch. «Il a fallu en perdre quelques-unes pour réveiller un peu les gens, pour aller de l’avant.»
Fin 2018, un premier lot de 90 adresses a été placé sous les auspices de la CUCQ. Un groupe de 42 a suivi en 2019. Puis, il y a peu, la Ville a frappé un grand coup avec les 500 habitations.
«Il fallait que ça se fasse», commente Martin Dubois. «Ça aurait dû être fait avant.»