Denis Lessard
La Presse
Dans les médias de Québec, on s’interroge sur les sources de l’hésitation évidente du gouvernement Legault à appuyer le projet de tramway dans la capitale. Un premier constat : alors que l’on doit triturer ce projet, évalué à l’origine à 3,2 milliards, deux ans plus tard pour absorber un dépassement de coût prévisible de 700 millions, les voyants rouges clignotent au tableau de bord du gouvernement. On sait depuis un bon moment qu’à l’origine, le projet avait été grossièrement sous-évalué ; il aurait fallu parler de 5 milliards et non de 3,3 milliards au moment de l’annonce du printemps 2018. Le gouvernement Legault craint un gouffre financier qui ternirait définitivement son étoile à Québec.
Une seconde raison, politique celle-là : parmi les élus caquistes de la région de Québec, il y a longtemps qu’on a décrété que le maire Régis Labeaume est un adversaire, et qu’on n’a pas de cadeau à lui faire. La liste des contentieux est longue. Au printemps 2018, avant les élections, le projet de tramway, le réseau de « transport structurant », avait été concocté avec le gouvernement Couillard. L’ancienne administration y voyait une façon de sauver les meubles politiquement dans la région de Québec où, depuis longtemps, la CAQ avait le vent dans les voiles. La sympathie de Régis Labeaume envers l’administration libérale était évidente, remontait aux années Charest. C’est Jean Charest qui avait donné le feu vert au projet d’amphithéâtre, encore terriblement sous-utilisé.
Les députés caquistes se souviennent aussi que, dans les réseaux d’influence du maire, on avait passé le mot d’ordre : ne pas contribuer à l’élection d’un caquiste, ne pas appuyer politiquement ou financièrement les candidats de François Legault. Après le scrutin d’octobre 2018, le maire Labeaume s’est aussi empressé de saluer l’élection des deux députés de Québec solidaire dans la région, Catherine Dorion et Sol Zanetti. L’an dernier, la Ville nommait au comité directeur du projet deux environnementalistes, ténors de Vivre en Ville et d’Accès transports viables, qui ont mitraillé de leurs critiques le projet de troisième lien sous-fluvial, au centre du programme de la CAQ pour la région.
Pas surprenant que l’ambiance n’ait pas été à la fête quand le maire Labeaume, à la mi-juin, a rencontré les députés caquistes de la région.
Élus dans les banlieues ouest et nord, ces députés voient, de changement en changement, que leurs commettants risquent d’être négligés quant à la desserte. On ne pensera à eux que sur l’avis d’imposition.
Ils reflètent le virage dans l’opinion publique à l’égard du projet de tramway, explique-t-on. Un sondage Léger, début juin, était sans appel : le projet, qui avait déjà recueilli jusqu’à 60 % d’appuis, ne trouvait alors que 40 % de supporters.
On peut penser que François Legault continuera d’être circonspect à l’endroit du projet. D’autant plus que son gouvernement n’y contrôle rien ; tout est décidé par un comité formé par l’administration Labeaume. Dans une rencontre avec le premier ministre, récemment, M. Labeaume avait mis tout son poids pour faire accélérer le projet, pour s’assurer que ce ne serait pas un enjeu de la campagne électorale municipale de l’automne prochain.
Pas si vite ! a immédiatement répliqué M. Legault. Le projet sera réexaminé par le ministère des Transports – et cette semaine, on a appris qu’on voudrait réévaluer les secteurs où le tramway voisinera la sortie de l’éventuel troisième lien…
À Québec, on se souvient bien de ces urgences du maire Labeaume. Il avait forcé bien des circonvolutions aux gouvernements Legault et Trudeau pour qu’ils convainquent la mairesse de Montréal, Valérie Plante, de décaler des projets métropolitains pour libérer du financement pour le tramway de Québec.
Ce n’était pas la première rebuffade à l’empressement du maire, qui a tenté d’abord d’éviter l’examen du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE). Cet organisme tient finalement sa consultation, un test difficile pour les promoteurs du projet. Chez Legault, on souligne que le projet, déjà devancé, suivra l’échéancier prévu – il faudra attendre l’automne pour un feu vert aux appels d’offres. L’échéancier par la suite est si serré qu’il est bien peu probable que l’on puisse signer un contrat formel avec un consortium avant les élections municipales de novembre 2021.
Pour l’heure, les multiples changements apportés au projet original pour freiner les dépassements de coût font les manchettes. On vient de mettre au rancart 15 kilomètres de « trambus », véhicules biarticulés de 150 places qui devaient amener les passagers jusqu’au tramway sur une plateforme au milieu de la chaussée.
On parlait à l’origine d’une vitesse moyenne de 26 km/h pour conduire les gens au centre-ville. On passe à 22 km/h avec la nouvelle mouture, soit des véhicules articulés de 110 places qui auront une voie sur le côté. On réduit la longueur d’un tunnel et on ampute deux stations sur la colline Parlementaire. On passe de trois à deux terminaux – Expo-Cité, que l’administration Labeaume tente de transfigurer en nouveau pôle d’attraction pour la capitale, ne sera plus un terminus.
Depuis longtemps déjà, on avait fait passer à la trappe le projet de plaque tournante au « Phare », immeuble de 65 étages prévu à l’entrée de la ville. Sans tramway, le projet a perdu 20 étages et la moitié des commerces envisagés, a-t-on appris cette semaine. On a aussi évoqué la possibilité de réduire le parcours à Charlesbourg, fief du ministre de l’Énergie, Jonatan Julien.
Mais chez les artisans du projet, on s’interroge. Pourquoi le projet de tramway est-il forcé de réduire sa portée pour tenir compte des coûts tandis qu’à Montréal, les projets du REM et du prolongement de la ligne bleue du métro semblent avoir un financement illimité ?
Dans les milieux politiques à Québec, on se perd en conjectures sur les causes de l’empressement du maire Labeaume. On voit souvent en lui un politicien soucieux de laisser un ouvrage majeur en héritage avant d’annoncer son départ de la vie publique. On entend aussi l’argument contraire : parce qu’il veut se représenter, M. Labeaume veut voir ce tramway dans la liste de ses réalisations, afin de faire oublier le pharaonique Centre Vidéotron sans équipe professionnelle. À Québec, plusieurs candidats potentiels tentent, chuchote-t-on, de décrypter les indices que sème M. Labeaume, maire depuis 2007 ; Dominique Brown, fondateur de Chocolats Favoris, et l’ancien ministre libéral Sam Hamad en font partie.
* Merci à un lecteur très assidu …
17 juillet 2020 à 07 h 38
Wow… C’est manichéen comme texte.
Comme source de conflit, il ne faut pas oublier le 3e lien, dont la première monture, pas du tout documentée, n’avait aucun sens. Fallait le faire mettre un transport en commun lourd en périphérie de la ville. Je veux bien croire que le cannabis est légal… euh attendez, c’était avant que ce soit légal…
D’ailleurs, on ne sais pas grand chose de ce projet en ce moment.
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17 juillet 2020 à 19 h 19
Lessard ne beurre pas si épais. Il donne l’heure juste. Il faut sortir le chat du sac !
Le tramway, un projet voué à l’échec, un vrai dossier Mazarin. Depuis le début on tente de faire avaler des couleuvres.
Un projet présenté sous le signe de l’hypocrisie, sans étude sérieuse des coûts, annonçant un réseau majestueux pour des milliards $$$, et on réduit le projet à un tramway pour le même prix…!
C’est comme acheter un « char » neuf de l’année tout équipé et lors de la livraison le vendeur se présente avec un Rambler 1967 pour le même prix.
Un projet entouré de secrets, tentant de cacher la vérité aux payeurs de taxes.
Philippe Couillard est tombé dans le piège, croyant gagner des votes dans la région de Québec, il a tout perdu.
Le gouvernement et le BAPE doivent démasquer les entourloupettes.
Les gouvernements fédéral et provincial doivent arrêter de se faire remplir et raconter des histoires.
Il faut attendre la prochaine élection municipale. Les payeurs d’impôt et de taxes décideront en connaissance de cause.
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17 juillet 2020 à 20 h 17
Vous avez parfaitement raison M. Bouffard. J’ajouterais que ce projet improvisé est un déni de démocratie. Le projet de tramway a été présenté aux dernières élections municipales et il a été défait. C’était celui de madame Guérette qui a été assez honnête pour nous exposer le fond de sa pensée.
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18 juillet 2020 à 07 h 26
À la dernière élection municipale, on pensait à environ 1 milliards$ pour un projet. Cela a bondi à 3 milliards. Alors il est où le problème? Cette opposition, c’est comme si qu’elle nous proposait de remeubler en mélamine à la grandeur de la maison plutôt que de changer seulement les quelques vieux meubles Ikea par quelque chose de qualité.
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18 juillet 2020 à 08 h 53
Ca me fait rire un peu lorsque Labaume parlait du 3ième lien, il disait que ca coûterait 10 milliards. Je ne lui donne pas tort pour le coût. Je pense que naturellement nous avons tendance à minimiser les coûts.
Toutefois je me rend compte que tout est subjectif. En fait ça dépend beaucoup si on est pour ou contre un projet. Labaume était contre alors il a dit 10 milliards et je pense qu’il était assez réaliste.
Mais il voulait tellement réaliser son projet de réseau structurant que je me demande réellement s’il n’a pas sciemment minimiser les coûts e l’infrastructure afin de faire accepter le projet. On voit ou ça nous mène aujourd’hui.
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18 juillet 2020 à 10 h 28
Et pendant ce temps à Montréal, on est mort de rire.
On se fait imposer des décrets imputant tout dépassement des coûts à la ville?
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18 juillet 2020 à 10 h 24
Bye-bye tramway. Rebonjour SRB.
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18 juillet 2020 à 10 h 28
Et c’est source de réjouissance pour vous?
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18 juillet 2020 à 11 h 34
Le tramway actuel va nous coûter 3 milliards à lui seul. Il se pourrait même que son trajet de 23 km soit amputé de quelques kilomètres dans Charlesbourg.
Le tunnel que la ville nous avait annoncé à 150 millions/km est rendu maintenant à plus de 350 millions/km. Comme ça, plus du double du coût, du jour au lendemain.
Les biarticulés n’auraient pas besoin pour leur part d’un tunnel pour gravir la falaise. On pourrait alors s’offrir à la place du tramway 5 lignes de trambus de 15 km, comme celle de 600 millions que le maire a abandonnée récemment.
Et ce qui est vraiment « full cool » avec le trambus, c’est qu’en le retenant comme option, on l’aurait « gratis » notre tunnel. Suffirait de le faire circuler sur les voies réservées du 3e lien. Pas besoin de rails, donc pas de problème.
Et dire que le maire Labeaume nous disait il n’y a pas si longtemps que le SRB serait suffisant pour répondre aux besoins de Québec jusqu’en 2041; et qu’il se pourrait même selon lui que l’évolution des bus en terme de capacité pourrait être tel d’ici-là qu’on n’aurait jamais besoin du tramway. Régis pensait peut-être qu’on l’avait oublié celle-là …
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