Karine Gagnon
Journal de Québec
Le troisième lien n’est pas un bon projet pour la société, et n’est pas la solution à privilégier à long terme pour réduire la congestion en heures de pointe sur les ponts de Québec alors qu’il risque plutôt de l’accentuer.
C’est la conclusion à laquelle en vient Louis-Philippe Dufour, dans une analyse coûts-bénéfices réalisée l’an dernier et remise à Jean-Philippe Meloche, professeur agrégé et responsable de programme à la maîtrise en urbanisme à l’École d’urbanisme et d’architecture de paysage de l’Université de Montréal.
Présentée lors de l’exposition des finissants de la faculté de l’aménagement, l’analyse démontre aussi que « les projections démographiques de la région de Québec tendent à suggérer que la congestion en heures de pointe devrait rester plutôt stable dans le futur, ce qui signifie que le problème ne devrait pas s’accentuer ».
Pas rentable
Ainsi, avec un bénéfice net total de -1,79 milliard de dollars, le projet ne serait pas rentable pour la société. On tient compte autant des variations de déplacements que de la population, de la valeur des gains de temps que de la valeur résiduelle de l’infrastructure.
« En effet, les avantages associés au projet sont nettement insuffisants pour contrebalancer les coûts importants de la réalisation du projet », peut-on lire.
L’étudiant affirme qu’il a été surpris de constater à quel point il était facile de désapprouver le projet sans faire d’analyses poussées. « Les résultats étaient très défavorables au projet même si j’analysais le scénario le plus optimiste, en omettant de prendre en compte certaines considérations importantes, comme l’environnement par exemple », a-t-il expliqué au Journal.
Dans son analyse, M. Dufour suggère d’ailleurs que d’autres solutions moins coûteuses soient évaluées, comme les bénéfices qui pourraient résulter de l’augmentation du service de traversier entre Lévis et Québec.
Jamais pertinent
« Il s’agit d’un exercice plus pédagogique que scientifique, mais la méthode utilisée est la bonne, mon étudiant a utilisé les vraies données et a suivi les vraies méthodes », précise le professeur Jean-Philippe Meloche. Ce qui est frappant, selon cet expert, c’est que même s’il y a des limitations à la méthodologie, ce qui mène à une surestimation des avantages du projet, « on se rend compte qu’on n’arrive pas plus à un résultat où le projet serait pertinent. »
M. Meloche remarque aussi qu’au moment de l’analyse, les coûts étaient estimés à un seuil de quatre milliards, qui pourrait plus ressembler aujourd’hui à huit, neuf ou dix milliards selon les données présentées par le ministère des Transports.
« Avec les derniers chiffres qu’on nous a montrés, le projet n’est plus proche du tout d’avoir du sens, et je ne vois pas comment le MTQ pourrait arriver avec des chiffres largement différents de ceux de mon étudiant », observe-t-il.
C’est ce qui pourrait expliquer pourquoi le gouvernement refuse toujours de rendre publique l’étude sur le troisième lien, le MTQ alléguant qu’elle est toujours en cours de réalisation.
« Le fait, note le professeur, que le fédéral n’ait même pas pris la peine d’étudier la situation m’apparaît également comme un signal assez clair que les chiffres ne sont pas là. »
27 juillet 2021 à 11 h 37
«les « projections » « tendent » à démontrer»
«Il s’agit d’un exercice plus pédagogique que scientifique»
«facile de désapprouver le projet sans faire d’analyses poussées»
Le Québec s’en va dans le mur avec ce genre de journalisme militant donnant un seul point de vue.
Peu importe l’enjeu social, immigration, santé, laïcité : toujours la même maudite approche paresseuse. Pendant ce temps, le gouvernement mène la barque de manière opaque.
Le prof et son étudiant ont peut-être raison sur un certain nombre de points, mais encore faut-il les confronter avec ceux du MTQ.
Que le dernier journaliste du Québec ferme la lumière en sortant.
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27 juillet 2021 à 14 h 26
Vous faites l’erreur de penser que toute recherche scientifique est nécessairement partisane.
Oui, les êtres humains ont généralement un penchant idéologique. Mais dans le domaine scientifique, on tente (le plus possible) de mettre cela de côté afin d’arriver à une réalité. Je ne prétend pas que c’est parfait, mais c’est définitivement ce qui finit par avancer la société.
Il semble très difficile d’avoir des experts dans le domaine de l’urbanisme (dans un sens large) qui défendent la construction d’infrastructures qui vont mener à l’étalement urbain.
Mais il existe des experts à droite qui arrivent à la même conclusion que ceux à gauche.
Je suis en train de lire le livre Strong Towns de Charles Marohn qui explique très bien pourquoi il faut éviter ce genre de construction. M. Marohn est un conservateur fiscal, est fait une analyse de coût / bénéfices pour arriver à sa conclusion. C’est le point de vue le plus « bi-partisan » que j’ai trouvé.
C’est une lecture très intéressante que je conseille fortement.
PS : Sur le site Strong Towns, il y a aussi des vidéos qui résument le point de vue (pour ceux qui n’ont pas le temps de lire le livre).
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27 juillet 2021 à 14 h 53
En passant, la chronique de Karine Gagnon est présentée dans le section « opinion ». Même moi je sais d’avance ce que Karine Gagnon pense avant même de lire l’article. Il n’y a pas de cachettes quant au penchant idéologique.
Si votre point est que le journalisme d’opinion prend de plus en plus de place dans les médias, je suis 100% d’accord avec vous. C’est loin d’être un phénomène exclusif au Québec.
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27 juillet 2021 à 18 h 36
« mais encore faut-il les confronter avec ceux du MTQ. »
Le MTQ et le gouvernement communique très peu leurs études. Et plus le temps passe, plus ça laisse croire qu’ils ne sont pas fier de ce qui s’y trouve.
Pendant ce temps, ça laisse toute la place à un étudiant à la maîtrise d’établir ce qu’il en est. Quant on lit son rapport, on voit qu’il n’a rien exagéré dans sa conclusion. Il a pris le coût de 4 milliards (alors qu’on anticipe le double aujourd’hui) et il n’a calculé aucun coût lié aux impacts environnementaux et supposé que les origines-destinations resteraient les mêmes, donc aucune augmentation du volume de circulation. Il a exposé le scénario de plus optimiste.
Son rapport est disponible ici:
https://effa.umontreal.ca/2020/uploads/projets/URB_27_doc_0_6631589480078.pdf?fbclid=IwAR3G_ViiR-Ya0oeD_u3-qrVrDS7_Tis8C64lYePgZDHGGtQ3QRaw98AhN8s
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27 juillet 2021 à 19 h 16
Merci pour le rapport
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28 juillet 2021 à 08 h 00
Arroseur arrosé! ;-)
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28 juillet 2021 à 20 h 48
Ai-je lu une moyenne de croissance démographique de 400 par année dans ce document?
Pourtant à Lévis c’est davantage une moyenne de 1000 par année; 2164 pour 2020 seulement.
On parle d’un ratio de 2 à 5 fois plus élevé ici. Pourtant ces données sont disponibles à la BST, stat can et du domaine public.
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30 juillet 2021 à 11 h 46
Évidemment que l’estimation de l’augmentation de la population est basée sur les projections démographiques réalisées par l’Institut national de la statistique du Québec. Et tel qu’indiqué dans le document les données sont prises à partir de l’année précédant la mise en service potentielle donc 2031. Et il faut pas oublier la forte diminution de la proportion des travailleurs à Lévis et dans la rive sud. Par exemple Lévis perdra -3.8% de sa population active des 20-64 ans entre 2020 et 2041.
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1er août 2021 à 15 h 01
Je me demande bien comment on peut prédire le futur. A quoi va ressembler la rive sud vraiment dans un horizon de 10 ans. Je regarde les projets majeurs qui s’en viennent et j’ai du mal à m’imaginer une baisse de la population active. Le projet QScale n’existait pas lorsque ces données sont sorties et pourtant ce projet va être le catalyseur du développement technologique de l‘ouest du territoire. Puis…. Viendra le projet de parc industriel Lévis Est et l’extension du port de QC dans ce secteur. Puisqu’il semble maintenant impossible d’agrandir le port ou il est actuellement situé (en zone urbaine), c’est sur la rive sud que la suite s’annonce. Puis il y a bien entendu toute l’immigration qui augmente grand V à Lévis. Ce n’était pas visible jusqu’à il y a à peine deux ans. Et on ne parlait même pas il y a deux ans de la résurrection du chantier Naval qui sera un moteur dans l‘est pour les 10 prochaines années. Ces données n’étaient même pas connues quad o a annoncé ces prédictions démographiques.
La pandémie elle même a changé drastiquement les données de démographie à Lévis en à peine 1 an et demi. Et on va me dire qu’on est capable de se projeter sur 10 ans? Ce que l’histoire nous enseigne en tout cas par rapport à la pandémie, c’est qu’il est difficile de prévoir sur cet horizon car pleins de facteurs changent les données de façon continuelle.
L’augmentation de population que connaîtra Lévis cette année fracassera probablement un record et ce n’était même pas prévisible il y a à peine 2 ans.
Je pense que le dynamisme de Lévis est sous estimé.
On s’en reparlera dans 10 ans. Je met un 20 qu’on se trompe allègrement.
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4 août 2021 à 10 h 36
Je respecte votre commentaire et votre analyse. Bien entendu ces projections ne sont pas le reflet exact de ce qui se passera dans 10 ans. Par contre, si le dynamisme de Lévis est sous-estimé, cela ne devrait-t-il pas se réfléter par une augmentation du trafic intra-rivesud, et donc diminuer le trafic sur les ponts. Actuellement, le gros du trafic c’est les gens de Lévis et environs qui vont travailler à Québec. Si il y a plus d’emplois/dynamisme à Lévis, cela devra mener par une diminution de ces gens passant à Québec le matin pour leur emploi. Lévis devrait donc prévoir le coup en augmentant l’offre de transport collectif sur son territoire, offre dérisoire actuellement. C’est plutôt ça que dicte le bon sens, pas un projet de 10 milliards qui peine à démontrer son utilité.
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4 août 2021 à 23 h 06
En fait mon analyse ne visait pas la nécessité du troisième lien basé sur les projections démographiques. Elle questionnait davantage les projections elles mêmes qui me semblent largement sous-estimés basés sur les constats actuels et sur un horizon beaucoup trop grand.
En passant, les déplacements de population de la Rive sud depuis au moins 10 ans augmentent davantage ouest-est que sud-nord depuis au moins 10 ans. Ce qui tend à démontrer que Lévis est depuis un certain temps déjà moins dépendante de Québec. L’offre commerciale, institutionnelle et industrielle y est depuis longtemps beaucoup plus diversifiée.
Aussi, Lévis a atteint en 2020 la population qu’on annonçait pour 2023. Je pense même que Lévis atteindra en 2021 la population qui était prévu en 2025 ou 2026. C’est peu dire.
Je suis d’accord avec vous sur le fait que l’offre de transport de Lévis gagnerait à s’améliorer. Je pense que le projet sur la table est un bon début en tenant compte de la dispersion de la population de Lévis. Un transport lourd serait trop capacitaire pour le moment. Cependant, l’opération de densification est bien amorcée à Lévis et dans un horizon d’une 20ène d’années, il sera possible de bonifier ce qui est sur la table actuellement. Mais chaque chose en son temps.
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27 juillet 2021 à 13 h 43
L’article met en lumière un devoir universitaire. Mais ce devoir, il a quand même été présenté l’exposition des finissants de la faculté de l’aménagement de l’UDM. Il doit avoir du travail derrière. Une certaine valeur. Non?
S’agit-il encore d’un journalisme paresseux? Peut-être. Click bait? Oui, très.
Mais au moins madame Gagnon ne s’est pas limitée à 3 ou 4 coups de téléphone à des « experts » pris sur le volet pour ensuite procéder à un assemblage de leurs courtes opinions dans un texte qui cherche à faire école.
Et puis bravo pour la prudence de la journaliste, ce qui n’est pas très militant comme attitude en passant.
Ah puis je me lance avec une critique des fonctionnaires du MTQ, dont vous semblez attendre impatiemment leurs conclusions.
Avec les prévisions catastrophiques en lien avec les entraves récentes au Pont P-Laporte, qui se sont avérées lamentablement inexactes, je me questionne un ti-peu sur leur compétence.
La prochaine fois, que le MTQ mandate leur staff de Montréal qui, en matière de fermetures de ponts, ont beaucoup plus d’expérience qu’ici.
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