L’endroit est à trois minutes et quart du centre-ville, une minute de moins lorsque la circulation n’est pas trop lourde sur Dufferin-Montmorency. Vous prenez la sortie d’Estimauville, presque tout de suite après les gros tas de billots de la Stadacona, et vous y êtes. Où ? Au milieu de nulle part, dans un coin de l’arrondissement Beauport capable de foutre la déprime à un jovialiste sur le Prozac.
Le secteur de l’avenue d’Estimauville, près du boulevard Sainte-Anne, n’est plus ce qu’il était. Il y a une vingtaine d’années, les commerces florissaient et attiraient du monde. Les restaurants brassaient de bonnes affaires. Le centre commercial Les Galeries de la Canardière tirait son épingle du jeu. Il y avait même un cinéma. Si je me souviens bien, c’est là que j’avais vu Karaté Kid 3, vous savez, avec l’adolescente future gagnante d’un Oscar, le vieux sage chinois, la position du pélican sur une patte, c’est vous dire à quel point le temps passe et vous rappelle que vous en avez déjà eu à perdre.
Aujourd’hui, ce coin de la ville est en train de mourir à petit feu. Le départ successif de grands magasins a laissé de profondes balafres dans le paysage. Le Canadian Tire, parti s’installer au nord, dans le power center de l’avenue Clémenceau, n’a jamais été remplacé. Son stationnement, moitié en asphalte craquelé, moitié en grenotte, en arrache. Le motel Dufferin, juste derrière, aussi. Le restaurant asiatique Anna, un ancien bar qui a pris le relais d’un resto, lui-même né sur les cendres d’un autre, La Ribouldingue, je crois, le resto Anna, disais-je, marche plutôt bien le midi, mais le soir, ce n’est plus la même chose. Avec la grève des chauffeurs d’autobus, vous auriez dû voir ça, c’était encore pire, me dit un employé. Voir quoi ? Qu’il n’y avait rien à voir, voyons…
La disparition du magasin à rayons Woolco a entraîné la mort des Galeries Sainte-Anne. L’annonce lumineuse tombe aujourd’hui en ruines. La rouille commence à faire son oeuvre. Le vaste stationnement est désespérément vide. Dans quelques semaines, un vendeur de sapins de Noël viendra s’y installer, me dit un chauffeur de taxi, ça va faire plus gai, du moins pour un moment.
Des commerces d’économie sociale, comme la friperie La Commode ou la librairie de livres usagés Le Trait d’union, ont pris le relais dans la partie sud de l’édifice. Il y a un concurrent de l’autre côté de la rue : Le Village des valeurs. L’économie sociale, si vous ne le saviez pas, c’est le néologisme pour désigner faire du neuf avec du vieux, et revendre ensuite ce vieux neuf aux gens moins fortunés. Vous aurez compris, petits malins que vous êtes, que les rues Maguire et Cartier ne comptent pas beaucoup de magasins d’économie sociale.
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Il y a aussi un marché aux puces, baptisé Super Bazar. Lorsque je suis passé, hier avant-midi, l’endroit était fermé. J’ai arpenté un long et vaste couloir aux couleurs déprimantes. Il n’y avait pas grand monde. Au plafond, le système de ventilation faisait un drôle de bruit. Il manquait de l’huile dans la fan. Un soir d’Halloween, l’endroit aurait fait un malheur. Comme le mail Saint-Roch dans le temps.
Au bout, je suis tombé sur un casse-croûte, tout petit, avec quelques tables. Un homme s’était endormi devant son café. Pas rasé, habillé pauvrement, pas pris de bain depuis un bon moment. Sans doute une victime de la « désinstitutionnalisation », Robert-Giffard n’est pas loin.
De l’autre côté de l’avenue d’Estimauville, le magasin Fabricville a laissé sa place à un fabricant de bateaux. Aucune enseigne n’en fait mention, bizarre. Tout au fond de la cour, le ministère de la Culture et des Communications a installé un bureau pour les « documents semi-actifs », c’est en tout cas ce qu’on peut lire sur la pancarte, à l’entrée. Semi-actif, le nom va bien avec le coin.
Le seul vrai gros commerce de l’avenue d’Estimauville est le marché d’alimentation Maxi. C’est à peu près tout. Pour le reste, c’est la désolation totale. Rien qui donne le goût de s’arrêter. On a plutôt envie de passer tout droit, le plus rapidement possible.
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La Ville de Québec sait que cette partie de la nouvelle ville a besoin d’un électrochoc pour se remettre sur le piton. Il y a deux ans, le gouvernement du Parti québécois avait envisagé d’y construire un édifice à bureaux afin d’y transférer 1200 fonctionnaires, une masse critique suffisamment importante pour entraîner un renouveau commercial. Le projet avait été évalué à 46 millions $. Le PQ a pris le bord, Jean Charest a été porté au pouvoir et depuis, plus rien. Le secteur d’Estimauville est sorti de l’écran radar des priorités gouvernementales.
Les Fêtes du 400e approchent et la baie de Beauport, pas loin, doit subir une cure d’embellissement. La logique voudrait qu’on en profite également pour redonner vie à l’avenue d’Estimauville. L’un ne va pas sans l’autre. Sinon, on risque d’avoir l’air fou devant la visite.
Le secteur a besoin de retrouver une fierté et une dignité. Ça pourrait se faire avec une place publique, une petite fontaine Simons, un parc, quelques arbres, de la verdure, des commerces qui ont un peu de gueule, des restos avec de sympathiques terrasses.
A une certaine époque, on croyait le quartier Saint-Roch irrécupérable et condamné à la décrépitude éternelle. Avec beaucoup de volonté et quelques millions, un miracle a finit par se produire. Un deuxième miracle urbain est-il possible ?
Normand Provencher, 4 novembre 2004. Reproduit avec autorisation
4 novembre 2004 Ã 19 h 34
Ah que je suis d’accord avec vous, je demeure tout près et croyez moi j’évite les ballades dans coin !
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4 novembre 2004 Ã 20 h 36
«Ça pourrait se faire avec une place publique, une petite fontaine Simons, un parc, quelques arbres, de la verdure, des commerces qui ont un peu de gueule, des restos avec de sympathiques terrasses.»
Ouaaais ! Pourquoi pas la  »FONTAINE SIMONS » sur un rond-point-place-publique à l’intersection de d’Estimeauville et Sainte-Anne ? Peut-être que ce n’est pas autant glamour que la colline parlementaire, mais le geste serait bien plus audacieux. Ce quartier a vraiment du potentiel et il faut y investir. Le 400e serait une excellente occasion pour unir cette cicatrice entre deux anciennes municipalités, et ce surtout avec l’emménagemant des berges de la baie de Beauport. Une fontaine d’une telle envergure aurait une valeur symbolique qui inciterait au renouveau du quartier, tel que le jardin Saint-Rock a fait par exemple. Bref, je crois que ce serait magnifique et je préfèrerais voir ce monument là qu’en face du parlement qui a déjà été assez choyé pour le moment. J’adore l’idée ! Bravo M Provencher !
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4 novembre 2004 Ã 20 h 36
«Ça pourrait se faire avec une place publique, une petite fontaine Simons, un parc, quelques arbres, de la verdure, des commerces qui ont un peu de gueule, des restos avec de sympathiques terrasses.»
Ouaaais ! Pourquoi pas la  »FONTAINE SIMONS » sur un rond-point-place-publique à l’intersection de d’Estimeauville et Sainte-Anne ? Peut-être que ce n’est pas autant glamour que la colline parlementaire, mais le geste serait bien plus audacieux. Ce quartier a vraiment du potentiel et il faut y investir. Le 400e serait une excellente occasion pour unir cette cicatrice entre deux anciennes municipalités, et ce surtout avec l’emménagemant des berges de la baie de Beauport. Une fontaine d’une telle envergure aurait une valeur symbolique qui inciterait au renouveau du quartier, tel que le jardin Saint-Rock a fait par exemple. Bref, je crois que ce serait magnifique et je préfèrerais voir ce monument là qu’en face du parlement qui a déjà été assez choyé pour le moment. J’adore l’idée ! Bravo M Provencher !
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4 novembre 2004 Ã 22 h 31
On est en effet rendu pas mal au plus creux du triste sort du Boulevard Ste-Anne, sort inévitable suite à la construction d’une autoroute en plein dans le fleuve. Tandis que ce boulevard était autrefois la porte d’entrée est de la ville, il n’y a quasiment plus que les huissiers qui font des bonnes affaires dans le coin.
Je me souviens d’un billet où on avait émis plusieurs suggestions, entre autres à propos de la destruction et/ou requalification d’une bonne partie de l’autoroute Dufferin-Montmorency. Suivant ces idées, l’autoroute pourrait s’arrêter à Henri-Bourrassa ou à l’avenue d’Estimauville justement (ça aurait été bien d’arrêter avant le domaine Maizeret, mais avec le port et les installations ferroviaires, on n’y gagne pas grand chose…). Dans ce cas, le carrefour Ste-Anne / D’Estimauville deviendrait particulièrement important.
Autrement dit, si on peut réduire Dufferin à un petit « Riverside Boulevard » avec une promenade, un parc et tout le tralala, de cet endroit jusqu’aux chutes, je suis convaincu que ce coin de la ville retrouvera beaucoup de sa vitalité!
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4 novembre 2004 Ã 22 h 41
Cette « déprime », hélas, s’étire vers le sud-ouest le long de La Canardière jusqu’au secteur de Capucin, comme je l’ai constaté aujourd’hui…
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4 novembre 2004 Ã 23 h 15
Et pourquoi pas jouer dans un créneau de libre plutôt que d’y mettre un respirateur artificiel durant des années… ce qu’il manque cruellement à Québec pour une ville de cette taille :un parc d’attraction ! (c’est bo rêver!)
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4 novembre 2004 Ã 23 h 15
Et pourquoi pas jouer dans un créneau de libre plutôt que d’y mettre un respirateur artificiel durant des années… ce qu’il manque cruellement à Québec pour une ville de cette taille :un parc d’attraction ! (c’est bo rêver!)
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5 novembre 2004 Ã 12 h 54
Une idée comme ça : ne serait-ce pas un bon endroit, proche de la ville, pour construire des installations sportives régionales dignes de ce nom? C’est sûr qu’un handicap majeur pénalise le coin : il est éloigné de toute la partie ouest (Sainte-Foy, Cap-Rouge) de la ville. C’est peut-être pour cette raison qu’il faut favoriser une approche plus locale pour les commerces ou des services.
J’aime bien l’idée de démanteler l’autoroute Dufferin-Montmorency entre D’Estimauville et l’autoroute de la Capitale. Ça redonnerait l’accès au fleuve et redonnerait vie au boulevard Sainte-Anne, qui n’est guère plus attrayant entre D’Estimauville et François-de-Laval que plus à l’est. Comme le mentionne Manu, ce sujet a été débattu sur les commentaires de cette nouvelle : (https://www.quebecurbain.qc.ca/MT/mt-comments.cgi?entry_id=122).
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22 janvier 2005 Ã 20 h 10
Il y avait également sur le boulervard Saint-Anne le chic cabaret Le 501 avec sa distinguée clientèle qui a disparu….
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