François Bourque
Le Soleil
CHRONIQUE / Les grands projets urbains (et leurs promoteurs) suscitent souvent la méfiance voire l’opposition de citoyens et groupes de pression.
Confrontés à des projets qui vont transformer leurs habitudes et leurs voisinages, des citoyens ont des réactions émotives et se sentent dépossédés.
On ne devrait pas s’en étonner. L’être humain est attaché à ses habitudes. Il n’aime pas, a priori, les changements qui «dérangent» son travail, ses déplacements, son voisinage ou lui imposent des technologies qu’il verra comme un emmerdement jusqu’à ce qu’il réussisse à domestiquer la bête.
Pour les citoyens qui se sentent menacés par un grand (ou un petit) projet, les promoteurs sont l’incarnation du mal capitaliste et sont de mèche avec des pouvoirs publics qui ont perdu de vue l’intérêt public.
Cette perception ne vient pas de nulle part. Nombre de grands projets passés (et actuels) ont été menés sans tenir compte des impacts sur la qualité de vie des quartiers.
Cette façon de faire a cependant commencé à changer.
Les promoteurs publics et privés comprennent — certains mieux que d’autres —, qu’ils ne peuvent plus ignorer les préoccupations des citoyens.
Le mouvement semble irréversible, nourri par les réseaux sociaux qui amplifient les mécontentements.
Les villes, qui vivent actuellement une grande période d’effervescence immobilière, sont moins affamées qu’à d’autres époques. Elles peuvent se permettre d’être plus exigeantes à l’endroit des projets et de leurs promoteurs.
Penser faire l’unanimité autour de grands projets immobiliers, énergétiques ou de transport n’est pas réaliste, mais il faut aujourd’hui obtenir une large acceptabilité sociale.
Cela a un impact sur les coûts des projets, parfois sur leur nature et inévitablement sur les délais de réalisation.
Comment les promoteurs s’adaptent-ils à ces nouvelles obligations? Quelles sont leurs «stratégies» pour faire «passer» leurs projets dans l’opinion publique et auprès des pouvoirs municipaux?
J’ai trouvé plusieurs réponses intéressantes lors d’un forum de promoteurs et investisseurs «urbains» organisé la semaine dernière à Montréal par la firme d’avocats d’affaires BCF.
(…)
La communication avec le quartier devra être maintenue pendant le chantier, pense l’urbaniste-conseil Brian Fahey. «La crédibilité du projet est en cause». S’il y a une perception que «le projet génère plus de nuisance que de beauté, on a un problème», analyse-t-il.
C’est le danger qui guettera de grands projets comme le tramway, le Phare, l’agrandissement du Port, etc.
Les promoteurs savent qu’ils doivent être à l’écoute des citoyens. Mais ils savent aussi qu’ils ne peuvent pas laisser toute la place aux opposants lors des consultations publiques.
S’il n’y a que des voix d’opposants, il sera plus difficile pour les villes ou gouvernements d’autoriser un projet. D’où la tentation de téléguider des interventions positives lors des consultations.
(…)
L’ex-conseillère et candidate à la mairie de Québec, Anne Guérette, était dans la salle la semaine dernière, parmi les promoteurs. Cela aurait paru incongru à l’époque où elle pourfendait d’un même souffle ville et acteurs immobiliers.
Mme Guérette, une cliente de la firme d’avocat qui organisait le forum, a pris la parole à la période d’échange. Moins pour poser une question que pour exposer sa vision. Pour ceux qui se le demanderaient, elle n’a rien perdu de son intensité.