Québec Urbain

L’Urbanisme de la ville de Québec en version carnet…


Le développement concentré; La construction dans la couronne nord soumise à un moratoire

Par Envoyer un courriel à l’auteur le 17 février 2005 9 commentaires

Afin de contrer l’étalement urbain et de concentrer son développement dans les endroits déjà desservis par les infrastructures, la Ville de Québec a l’intention d’imposer une sorte de moratoire sur la construction dans la majeure partie de son territoire, en particulier au nord.

La Ville déposait hier un projet de Plan directeur d’aménagement et de développement (PDAD). Ce « document martyr », pour reprendre le mot de la conseillère Odile Roy, sera soumis à un exercice de consultation populaire au mois de mars.

« Depuis les fusions, on est obligé de se poser les questions de développement en d’autres termes que le chacun pour soi, a exposé Mme Roy, aussi responsable de l’aménagement du territoire. Avant d’approuver un projet, on doit maintenant se poser la question de savoir « où est-ce que ce développement-là va avoir un impact moindre sur les finances publiques ? Comment maximiser le potentiel de nos infrastructures ? Comment assurer la sécurité de nos citoyens ? » »

« Rentabiliser les infrastructures qu’on a déjà« , cela signifie que les promoteurs devront faire une croix sur leurs projets touchant à plusieurs zones urbanisées du nord de la Ville.

Québec protégera aussi de façon plus stricte la partie non urbanisée de son territoire, qui représente 55 % de sa superficie, afin de préserver l’activité agroforestière qui s’y trouve. Là aussi, le développement sera autorisé au compte-gouttes, même pour les « résidences sans services » qui ne sont pas raccordées aux réseaux d’égout.

Ce n’est pas tant la construction des infrastructures qui pèse lourd sur les finances municipales – les promoteurs en assumant une grande partie – , que la capacité des conduites actuelles qu’il faudrait augmenter pour supporter de nouveaux embranchements.

François Moisan, porte-parole de la Ville, donne l’exemple de Gaudarville, où les grands espaces de stationnement ont dirigé trop d’eau de pluie vers les égouts, puis la rivière Cap-Rouge, qui a fini par déborder légèrement.

Terrains vacants

C’est plutôt du côté des grandes artères que Québec tentera de canaliser son développement. Ce mode d’occupation du territoire aurait l’avantage de rapprocher des services une population vieillissante et pourrait encourager l’utilisation du transport en commun.

Le territoire déjà desservi par les infrastructures devrait de plus suffire à répondre à la demande d’habitation à moyen terme. « On retrouve plusieurs terrains vacants et des paysages déstructurés, le long des grandes artères », constate Mme Roy.

La Ville estime en effet que les terrains inutilisés et d’autres sites pouvant être recyclés représentent un potentiel de près de 50 000 logements, alors que seulement 26 300 nouveaux ménages devraient arriver dans le marché immobilier de Québec d’ici 2021.

Le plan proposé hier prévoit également de relier entre eux les différents espaces naturels, parcs, berges et lacs de Québec, notamment par un réseau de pistes cyclables.

Le maire Jean-Paul L’Allier ne croit pas, par ailleurs, que les contraintes associées au PDAD fassent fuir les projets de développement vers la couronne de Québec.

« L’équivalent du schéma (d’aménagement) va s’appliquer à l’ensemble de la communauté métropolitaine, dans ses grandes lignes. Ça n’empêchera pas le développement de se faire à Boischatel à des conditions qui apparemment peuvent être plus avantageuses. (…Mais) si des gens veulent vivre dans un endroit où les services ne se rendent pas, ils devront se les payer, et ce n’est pas aux autres autour de les payer. »

Reste qu’il y a diverses raisons qui peuvent expliquer qu’un terrain est vacant, facteurs sur lesquels la Ville a rarement prise. Ne rend-elle pas son propre développement plus ardu en voulant occuper les espaces dont plus personne ne veut ?

« Lorsqu’on autorise une démolition, il faut avoir un plan de remplacement. C’est la règle. (…) On évite de faire ce que d’autres villes ont fait, c’est-à-dire laisser se dégrader les espaces vacants ou mettre du stationnement », ce qui est payant, mais ne développe rien, répond M. L’Allier.

Le prix des terrains ne devrait pas augmenter, assure la Ville

Québec n’est pas la première municipalité à vouloir de limiter son étalement. Plusieurs autres villes d’Amérique du Nord ont tenté l’expérience, de différentes façons, avec pour résultat fréquent de faire augmenter le prix des terrains. Un sort qui ne guette pas Québec, assure-t-on à la Ville.

Lorsqu’elle bloque le développement sur une partie de son territoire, une ville crée du même geste une rareté sur le marché des terrains « développables ». Le prix de ceux-ci tend donc à monter, parfois énormément.

A Portland, par exemple, le plan de Smart Growth conjugué à une croissance démographique relativement forte a fait littéralement fondre l’accessibilité au logement au cours des années 90. D’après une étude de l’Independance Institute, un think tank américain, le revenu moyen d’un ménage permettait, en 1991, d’y acheter 68,3 % des logements sur le marché portlandais.

Dix ans plus tard, cette proportion avait dégringolé à 32,9 %, le rationnement des terrains ayant fait bondir leur prix de près de 60 000 $US en moyenne au cours de la même période.

Il est toutefois peu probable que cette situation se répète à Québec, assure le directeur de son service d’aménagement, Fernand Martin. La demande annuelle de nouveaux logements, selon les estimations de la Ville, devrait chuter de 3200 à 1200 entre 2006 et 2015. « On s’assure de dégager des terrains potentiellement développables qui permettent un nombre de logements supérieur à la demande. On ne se lie jamais au développement d’un seul terrain », explique-t-il.

La loi contraint aussi la Ville à réviser son PDAD tous les cinq ans, souligne M. Martin, ce qui lui permettra éventuellement d’intervenir si le marché devient un peu fou.

Les terrains situés dans les zones urbanisées où le développement sera gelé risquent toutefois de perdre beaucoup de valeur, puisqu’il sera pratiquement impossible d’y construire des habitations ou des commerces dans un avenir prévisible.

Le porte-parole de la Ville, François Moisan, souligne que les propriétaires touchés pourront demander une baisse d’évaluation pour diminuer leur compte de taxes, mais qu’aucune compensation ne leur sera versée.


Jean-François Cliche, 15 février 2005. Reproduit avec autorisation

Voir aussi : Étalement urbain.


9 commentaires

  1. SR

    17 février 2005 à 15 h 54

    Ahhhh ! Bonne nouvelle !

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  2. Maxime L.

    17 février 2005 à 16 h 29

    Enfin! Excellente nouvelle! Pourtant, les consultations publiques à venir me font peur…

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  3. Manu

    17 février 2005 à 18 h 52

    Le projet de plan directeur concerne beaucoup d’aspect du développement urbain et vise à corriger beaucoup de problèmes et lacunes. Mais en ce qui concerne l’étalement urbain, je suis incertain des résultats.

    D’une part, il est vrai qu’on va attirer entre autres la population vieillissante plus près des services en développant plus près de la « ville ». Toutefois, plusieurs jeunes ménages, notamment ceux qui souhaitent un terrain et une maison, iront simplement s’établir hors des limites de Québec : St-Augustin, Lac Beauport, L’ange-Gardien, ou sur la rive-sud de St-Nicolas à Lauzon… Ils vont peut-être même s’établir quelques km plus loin, là où l’immobilier s’offre à un prix plus raisonnable. Bonjour l’étalement urbain!

    Bien sûr, ça aide à préserver les territoires boisés de la ville, et outre les routes, cela n’affecte pas les infrastructures urbaines (comme l’aqueduc) qu’on veut justement mieux utiliser. Mais cela grossit le parc automobile, et moins de gens en ville signifie moins de demande pour le transport en commun (ce qui réduit le service, ce qui réduit la demande, …).

    Bref, côté étalement urbain, je ne suis pas certain qu’un moratoire ait un quelconque effet dans une vue d’ensemble de la région…

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  4. Yvan Dutil

    17 février 2005 à 21 h 10

    Le déplacement de la population ne sera que temporaire. D’une part, les bungalos des vieilles banlieues se vident de leur propriétaires actuels et sont remplacé par des jeunes couples. D’autres part, la population de Québec va stagner très rapidement.

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  5. m. Joly

    17 février 2005 à 23 h 37

    si je comprends bien il ne s’ajit pas d’une injonction qui empêchera le projet des méandres et l’autre encore plus grand.

    C’est plutôt des balises pour concentrer l’urbanisme dans les matrices développées jusqu’à maintenant?

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  6. Etienne Quirion

    18 février 2005 à 08 h 08

    Bon commentaire Manu… concernant ceux qui iront se construire plus loin, hors de la ville de Québec, c’est au tour de la Communauté métropolitaine de Québec de prendre le relais… mais on n’en entend pas beaucoup parler de cette CMQ… Finalement, je crois qu’au point de vue de l’aménagement du territoire, fusionner les villes de la CUQ était le pire des scénarios… on aurait dû fusionner toute l’agglomération, ou ne rien fusionner du tout mais donner plein pouvoir à la CMQ pour l’aménagement du territoire et la planification des transports…

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  7. JT

    18 février 2005 à 21 h 54

    Pour revenir sur le commentaire de Manu, selon ce qui est écrit dans l’article : « le schéma (d’aménagement) va s’appliquer à l’ensemble de la communauté métropolitaine, dans ses grandes lignes. » : Et la CMQ c’est : Québec, Lévis, les municipalités régionales de comté de La Jacques-Cartier, de L’Ile-d’Orléans et de La Côte-de-Beaupré.

    Il reste à voir dans quelles conditions s’y feront le développement… Il faudrait aller voir dans le PDAP ce que ce sera effectivement…

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