Isabelle Porter
Le Devoir
Plus de deux mois après le dévoilement du projet immobilier Le Phare et de sa tour de 65 étages, la Ville de Québec n’est pas encore en mesure de dire quand le changement de zonage sera évalué et exactement de quelle façon.
« Il y a différents véhicules et on n’est pas encore fixés », a expliqué la vice-présidente au comité exécutif Julie Lemieux jeudi. Le flou entoure les étapes précédant l’évaluation du changement de zonage par la Commission d’urbanisme et les délais.
Le jour du dévoilement du projet par le Groupe Dallaire, le maire Régis Labeaume avait indiqué que le changement de zonage réclamé par le promoteur serait évalué par la Commission d’urbanisme. Le Phare aurait 65 étages de hauteur, alors que le plan particulier d’urbanisme du secteur (2012) le limite à 29 étages.
À l’heure actuelle, la Commission d’urbanisme n’a pas encore été saisie du dossier et personne à la Ville n’est en mesure de donner une idée du moment où ce sera le cas. Rappelons que la Commission détient l’équivalent d’un droit de veto sur les changements de zonage avant qu’ils soient soumis à la consultation publique et aux élus.
Or Mme Lemieux est plutôt favorable à une autre approche. Elle souhaiterait que la Commission donne une « opinion » plutôt qu’une décision avant de soumettre le changement à une consultation publique sur le changement de zonage comme l’exige la Loi. La décision de la Commission surviendrait donc plus tard. La Ville doit aussi établir quand le plan d’urbanisme fera aussi l’objet d’une consultation.
Du côté du Groupe Dallaire, on a décliné notre demande d’entrevue sur le sujet. En attendant, le projet est entre les mains du Comité des grands projets de la Ville, qui est composé de fonctionnaires de tous les services touchés (aménagement du territoire, ingénierie, environnement, etc.).
« Le comité regarde quelles études sont nécessaires par rapport à l’ensoleillement, aux vents ou encore à la place publique, explique Mme Lemieux. Ils vont jeter un regard sur le projet et demander au promoteur de documenter ces aspects-là. Ça ne servira à rien d’aller à la Commission avant que toutes les études soient faites. »
Mme Lemieux insiste sur le fait qu’il ne s’agit en rien d’un privilège et que la Ville procède désormais comme cela pour tous les grands projets, par exemple les écoquartiers. Elle s’inspire en cela d’un modèle à succès développé à la Ville de Bordeaux, dit-elle. Cela permet d’éviter que les services travaillent « en silos » et fait en sorte que les projets soient bien documentés, poursuit-elle.
Citoyen mécontent
Au dernier conseil municipal, un citoyen du nom de Henri Jenkins s’était présenté au micro pour metre en doute les façons de faire de la Ville dans ce dossier. « Ce qui m’interpelle, c’est l’espèce de privilège qu’on accorde à une entreprise, à un promoteur en particulier au détriment de tous les autres. »
La question avait fait bondir le maire. « On est en train d’insinuer qu’il y a eu de la magouille et qu’on a donné un privilège. Il y a un problème d’éthique ici, c’est dangereux ce qui se passe. »
Invité à faire plus attention à son vocabulaire par la présidente du Conseil, M. Jenkins s’était repris. « On accorde une modification réglementaire à une entreprise en particulier […] Si c’est bon pour une tour, pourquoi pas une douzaine ? »
Lors de la même séance, l’opposition avait réclamé que la Ville réfléchisse au rôle de la Commission d’urbanisme, qu’elle juge mal adapté. La Commission d’urbanisme est une instance indépendante composée de sept experts et de trois élus. Ses rencontres hebdomadaires se tiennent à huis clos.
À l’heure actuelle, les membres de la Commission sont Monica Bittencourt Machado (architecte-paysagiste et aménagiste), France Laberge et Pierre Morel (architectes), Suzanne Bergeron et Érick Rivard (architectes et designers urbains), Guylaine Côté (évaluatrice agréée), Gino Gariépy (consultant en patrimoine) et les conseillères Suzanne Verreault, Anne Corriveau et Geneviève Hamelin (présidente de la Commission).
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