Obsession de la sécurité, sensationnalisme des médias, pouvoir des grandes entreprises sur les petits producteurs ou marchands artisanaux qui donnent vie aux quartiers centraux et aux régions, dénigrement populiste d’une forme de culture proprement québécoise…
Décidément, l’article récent (et magnifiquement écrit) de David Desjardins a fait vibrer chez moi plusieurs cordes sensibles, d’autant plus qu’on y relate un événement qui s’est déroulé dans mon quartier!
Heureusement, Caseus devrait rouvrir le 1er octobre…
Source: David Desjardins, Voir (Québec) (Chronique), 17 septembre 2008.
– Ce qui m’écœure le plus, c’est qu’on m’a fait passer pour une cochonne.
Les yeux de Nathalie Filion quittent la rue qu’ils scrutaient depuis une minute pour me fixer tandis qu’elle laisse tomber ces mots qui la font ensuite rire, même si cela n’a rien de drôle.
La propriétaire de la boutique Caseus sur la 3e Avenue à Limoilou fait partie des 300 commerces qu’a vidés le MAPAQ quelques jours plus tôt. Une véritable job de bras à forte teneur politique qui trahit l’état d’hystérie qu’ont provoqué quelques cas de listériose au Québec pour lesquels des fromages artisanaux ont été tenus responsables. (…)
Aucun appel possible, 90 % des produits allaient être détruits sur-le-champ, sans même qu’on sache s’ils pouvaient ou non contenir la fameuse bactérie, sans même qu’on fasse un seul prélèvement sur les lieux. Ne restaient que quelques charcuteries, mais on ne demeure pas ouvert pour un morceau de jambon, comme l’indique la commerçante. (…)
Dehors, une affiche explique les raisons de cette fermeture, laissant planer le doute quant à la réouverture éventuelle de la fromagerie ouverte depuis maintenant quatre ans et qui peut être considérée comme une pierre d’assise du renouveau de la 3e Avenue. Scandalisé, le quartier se mobilise. Au coin de la rue, dans le club vidéo, une pétition s’étale sur le comptoir, un fonds d’aide a été lancé par les gens du coin. «C’est vraiment très touchant, je sens que j’ai vraiment ma place ici», affirme Nathalie Filion, qui a aussi appris que son assureur consent à lui verser l’équivalent de 60 % du montant des produits perdus. (…)
Je ne survivrai pas à une seconde destruction de mes stocks. Pire que tout cela, selon celle qui détient un certificat en production fromagère en plus d’avoir une formation de nutritionniste, c’est un lien de confiance qui vient d’être rompu. (…)
Si ce n’est pas la première fois qu’on entend le milieu de l’alimentation artisanale pester contre le MAPAQ, on constate maintenant de quel bois se chauffe un ministère contre lequel on ne peut jamais argumenter, puisqu’il sauve des vies. Enfin, c’est ce qu’il prétend. Et cette mini-crise – dont les chiffres nous disent finalement qu’elle n’a rien d’alarmant – risque pourtant de lui donner raison. Car on peut faire dire ce que l’on veut aux chiffres. Surtout lorsqu’on y associe des vies humaines.
On a déjà fait freaker le monde de la même manière avec le virus du Nil, la salmonellose, la grippe aviaire, la maladie du hamburger et que sais-je encore. Les années passent. Les périls changent au gré des obsessions du moment.
Des épidémies? Il n’y en a eu aucune. Ce qui n’empêche pas les crises d’apoplexie collectives, alimentées par les médias. On a droit à une ou deux par année, en attendant l’apocalypse qui ne vient évidemment jamais.
Ici, le MAPAQ aurait tout aussi bien pu mettre les fromages en quarantaine et effectuer des prélèvements chez Caseus afin d’éviter à Mme Filion qu’elle frôle la ruine. Mais non, on tire dans le tas. (…)
La suite. À lire, cet article: Listériose – Contre le MAPAQ: Vers un recours collectif (Canoë).