Le Morrin Center a jadis été connu sous différentes appellations dû à ses diverses vocations depuis sa construction. On y a incarcéré les pires criminels à une époque, on y a dispensé des cours universitaires et la première société savante du Canada y a vu le jour. Nous l’avons visité pour vous et nous avons eu la chance d’avoir accès à des sections qui ne sont pas ouvertes au public.
La 1re prison commune de Québec
Aquarelle de la prison commune en 1830 par James Pattison Cockburn
C’est certainement la vocation la plus intrigante de cet établissement. La prison fut construite entre 1808 et 1814 sur les fondations de la Redoute Royale qui fut érigée en 1712. Cette prison fut la première au Canada qui mit en application des principes de réhabilitation au lieu de la détention pure et simple. Elle fut l’oeuvre de l’architecte François Baillargé et elle épousa le style néo-palladien fort apprécié par les Britanniques.
La section des cellules est divisée en 2 sections de 5 cellules. Un bloc servait pour la sécurité maximum. On accède aux blocs par d’étroits corridors pour éviter d’affronter 2 détenus à la fois lors d’une évasion. Les murs sont en pierre et les plafonds sont voûtés. Chaque cellule mesure environ 5′ par 7′. Chaque cellule pouvait se transformer en cellule d’isolement en y fixant une porte amovible.
Chaque bloc avait une pièce commune où on y installait un poêle à bois auquel une cheminée en métal longea horizontalement le plafond pour se rendre à l’extérieur.
Les planchers étaient faits en lattes de bois et recouverts de paille. Les planchers de bois sont toujours là d’ailleurs. Le bois est rendu très mou et effritable. De gros anneaux avaient été posés au sol pour attacher les prisonniers malades mentaux.
Il n’avait que des barreaux aux fenêtres de chaque bloc de détention. On devait placer de la paille dans l’embouchure de la fenêtre en hiver pour atténuer les pertes de chaleur et éviter de geler lors de nos rudes hivers.
Chaque cellule était prévue pour un seul prisonnier, mais les problèmes de surpopulation ont poussé la prison à incarcérer 4 détenus dans les minuscules cellules.
Un sous-sol lugubre
Accessible uniquement par une trappe au plancher, le sous-sol a un plafond d’une hauteur de 4 à 6 pieds seulement. On marche directement sur la terre. Nous avons eu des informations divergentes sur l’utilisation de cet espace. Notre guide nous a informé que des prisonniers handicapés mentaux ont été incarcéré là. Toutefois, l’historien et ancien directeur du Centre nous a fait savoir que le sous-sol a uniquement servi comme caveaux à légumes selon les fouilles archéologiques. Il y a très peu de lumière et l’endroit est suffocant.
Lorsque nous l’avons visité, il nous a donné la chair de poule. Sans avoir eu réellement peur, on se sentait dans un endroit bizarre. On était bien content de remonter les marches et de le quitter.
Les pendaisons publiques
Il y a eu 14 pendaisons publiques à cette prison. La potence était installée sur un balcon en métal fixé au dessus de la porte principale. On raconte qu’environ mille personnes venaient assister aux exécutions incluant des familles avec enfants. Selon notre guide, on exposait sur le trottoir pendant 2 jours pour que les gens le voient bien et surtout qu’ils le sentent. Cette information a été démentie par M. Donovan.
Plusieurs employés qui ont travaillé au Centre et à sa bibliothèque prétendent que le bâtiment est hanté par les esprits de ceux qui y ont perdu la vie.
La prison ferme ses portes en 1867 lorsque la seconde prison dans l’actuel Musée du Québec sur les Plaines d’Abraham fut ouverte.
Morrin College
Morrin College par Fred C. Würtele en mai 1902
Le docteur et maire de Québec, Joseph Morrin, fonda en 1862 le Morrin College affilié à l’Université McGill. On y enseigna les arts et la théologie presbytérienne. On confie à l’architecte Joseph-Ferdinand Peachy la modification de l’édifice pour accueillir le collège dans cet édifice en 1968. On préserve les 2 blocs de cellules, on retire le balcon et on aménage de grandes salles de cours.
En raison du faible nombre d’étudiants, le collège admettra des femmes en 1885 soit 20 ans avant l’Université Laval. La situation financière du collège le force à fermer ses portes au début du 20e siècle.
Le College Hall, là où les cours étaient donné
La Literary and Historical Society of Quebec
Cette société à but non lucratif est installée dans cet édifice depuis 1868. Elle y inaugure une bibliothèque dans la portion droite de l’édifice qui est restée ouverte jusqu’à aujourd’hui.
Voici une description provenant de leur site web :
Fondée par Lord Dalhousie en 1824, la Literary and Historical Society of Quebec est la première société savante au Canada. Après avoir été relocalisée plusieurs fois et avoir essuyé deux incendies, la Société s’installe dans l’aile nord du Morrin College, en 1868.
À l’origine, les orientations et objectifs de la Société sont variés. La Société collectionne des documents sur l’histoire du Canada et réédite plusieurs manuscrits rares. La recherche dans tous les champs de connaissance est fortement encouragée. Des essais érudits sont régulièrement publiés dans les Transactions; certains de ces textes contribuent considérablement à l’avancement du savoir.
Dans le hall d’entré est suspendu les portraits d’ancien président de la société
Une bibliothèque magnifique
La bibliothèque est probablement la plus belle dans la Ville de Québec. Les étagères tapissent chaque pouce carré des quatre murs. Un balcon au 2e fait le tour de la salle où l’on retrouve des livres datant de l’ouverture de la bibliothèque il y a 150 ans.
Les anglophones à Québec
Cet organisme est un point central de la communauté anglophone dans la Ville de Québec. Les anglophones ont déjà représenté 41 % de la population de la ville en 1861. Les problèmes économiques de Québec à la fin du 19e siècle ont encouragé ces citoyens à quitter Québec pour migrer vers d’autres régions. L’exclusion de Québec du Grand Tronc du chemin de fer canadien nuisait beaucoup à son essor économique. Leur langue a facilité leur intégration dans d’autres régions à majorité anglophone ailleurs au Canada. Aujourd’hui, ils représentent 2 % de la population et ils sont pour la très grande majorité parfaitement bilingue et impossible à identifier mis à part leur nom de famille.
À ce sujet, je vous invite à regarder cette émission de Tout le monde s’en fout (TLMSF) animée par Matthieu Dugal qui a été filmé dans la bibliothèque du Morrin Center. L’émission comprend une entrevue (à 16m30s) avec l’historienne Louisa Blair sur la présence des anglophones dans la Ville de Québec.
Le Centre Morrin aujourd’hui
Le Centre Morrin est un centre culturel appartenant depuis 2004 à la Literary and Historical Society of Quebec. Cet organisme a acquis l’édifice de la Ville de Québec dans le but de le promouvoir à divers usages (tourisme, location de salles, etc.). Des visites guidées sans rendez-vous sont organisées pour les visiteurs. On vous encourage à découvrir ce lieu méconnu et chargé d’histoire.
On tient à remercier la Literary and Historical Society of Quebec pour son accueil chaleureux pour ce reportage.
Sites d’intérêt et références :
MAJ 2010-08-15 21:00 : Patrick Donovan, historien et ancien directeur exécutif du Centre Morrin, m’a écrit pour rectifier certains faits. J’ai modifié le texte en conséquence.