Isabelle Porter
Le Devoir
Québec Urbain est perçu par certains politiciens comme l’équivalent virtuel d’une consultation publique
Québec — Le blogue Québec Urbain, qui fêtera ses dix ans cette semaine, est un véritable modèle de réussite de la blogosphère québécoise. À Québec, son influence sur la vie municipale n’est plus à démontrer.
Le vice-président du comité exécutif de la ville, François Picard, le suit religieusement. «C’est le site que je regarde à tous les jours, explique-t-il. Je n’écris pas à tous les jours, mais je n’hésite pas à intervenir pour donner de l’information.»
Le maire aussi le consulte souvent et on raconte même que certaines personnalités influentes de la ville interviennent dans les débats sous des pseudonymes.
On trouve sur Québec Urbain tous les articles des médias locaux portant sur l’urbanisme, le transport et l’immobilier. Des sujets comme le tramway et les clivages ville-banlieue y provoquent des échanges passionnés. Des collaborateurs assidus (et bénévoles) ajoutent parfois des photos des nouveaux projets immobiliers dans la région ou encore des photos anciennes de certains quartiers de la ville. Les mises à jour sont constantes et le site est très dynamique.
Avec les années, il est devenu un véritable incontournable, non seulement pour les politiciens, mais pour les journalistes et tous ceux qui s’intéressent à la ville. Depuis 2007, il dépasse en moyenne les 70 000 visites par mois.
Dix ans
C’est donc avec fierté que ses collaborateurs se préparent à célébrer ses dix ans, jeudi, lors d’une réception en haut du Complexe G avec vue sur cette ville qui les passionne tant.
Aujourd’hui dans la trentaine, son fondateur Francis Vachon s’étonne encore de la suite des événements. Quand il l’a créé en 2001, «on devait expliquer ce qu’était un blogue quand on en parlait». Alors programmeur Web au gouvernement fédéral, Vachon avait créé le site sans but précis et choisi le thème de l’urbanisme un peu par hasard.
Modeste au départ, son projet a vite pris une tournure inattendue. Sans qu’il le sache, le logiciel qu’il utilisait envoyait une note au serveur de la compagnie chaque fois qu’il écrivait un billet. Après avoir vu passer un de ses avis, le chroniqueur informatique du Devoir Michel Dumais était allé visiter Québec Urbain et en avait parlé dans son blogue. Le nombre de visiteurs avait alors grimpé en flèche.
«Avant même que je lance mon blogue officiellement, j’avais plein de nouveaux lecteurs! raconte Francis Vachon qui n’avait dès lors plus le choix de continuer. J’ai commencé à suivre l’actualité, à lire les journaux, à mettre des liens vers des articles intéressants, à publier mes propres billets, à aller à la rencontre de promoteurs immobiliers, à aller fouiner sur les chantiers.» L’expérience lui permet de goûter à la photo, qu’il aime au point de retourner aux études en photojournalisme en Ontario.
De nouveaux collaborateurs
Cela le force en 2005 à ouvrir Québec Urbain à de nouveaux collaborateurs. À son retour, il constate que la facture visuelle du site a l’air démodée. Coup de chance, le propriétaire d’une entreprise en nouvelles technologies de Québec lui offre son aide.
Très engagé dans le milieu et passionné par tout ce qui concerne la ville, Carl-Frédéric de Celles prend en charge la maquette et la gestion du site à même les ressources de son entreprise. Cinq ans plus tard, il est toujours à bord. «Il y a eu toute une mode des blogues, mais ceux qui sont restés sont les bons», dit-il.
Depuis, Québec Urbain a fait des petits tels Lévis Urbain, Montréal Urbain ou Trois-Rivières Urbain, mais son dynamisme demeure sans équivalent. La ville de Québec, selon De Celles, a la taille idéale pour animer un site de discussion comme Québec Urbain. «Les gens sont très intéressés à ce que la ville se développe de façon constructive. Ils sont très soucieux de ce qui se bâtit à côté de chez eux. Quand un nouveau resto ouvre ses portes, ils prennent des photos et l’envoient sur le site.»
Le site a tellement d’influence que De Celles a dû composer avec des mises en demeure de promoteurs immobiliers qui n’appréciaient pas les commentaires écrits sur leurs projets. Pourtant, le ton des échanges est généralement assez respectueux. Le conseiller François Picard souligne que les interventions sont souvent «extrêmement intéressantes au niveau architectural et urbanistique». Pour lui, Québec Urbain est devenu une véritable consultation publique virtuelle. «Pour un élu qui prend des décisions en aménagement du territoire et en transports, ça vaut une consultation publique. C’est extrêmement enrichissant.»