François Bourque
Le Soleil
Les citoyens du voisinage avaient souhaité un projet «sobre» et «respectueux de l’environnement naturel» des falaises de Sillery.
Un projet qui refléterait l’atmosphère du sentier «clandestin» battu par des générations de citoyens à travers les propriétés religieuses.
La Ville de Québec était d’accord. En principe.
Dans les faits, le projet d’aménagement du sentier des Grands-Domaines-de-Sillery (phase 1) rendu public au début juin est plus ambitieux que ce qu’on avait imaginé.
Pour moins de 2 km de sentiers, on comptera huit aires de repos, deux belvédères, de grands escaliers de bois, une aire de jeu pour enfants inspirée du monde marin avec une réplique de la proue d’un navire, etc.
Sans parler de structures d’accueil imposantes, des «seuils» signalant les limites des propriétés, des panneaux d’interprétation, etc. Il y en aura pour 3 millions $.
Rien en soi de mal ou de scandaleux. Ce sentier est désiré depuis longtemps et l’idée d’en faire un rappel de l’histoire ajoutera au plaisir et à la pertinence de ce nouvel espace public.
Mais une fois encore, une administration publique aura succombé à la tentation d’une mise en scène magistrale là où des installations minimales auraient pu suffire.
Le plan annoncé implique d’ouvrir des percées dans les boisés de la falaise, de structurer et d’habiter l’espace, de construire des garde-fous, d’altérer le paysage des prairies, de faucher de la végétation, etc.
Je ne dis pas que les aménagements sont de mauvais goût ou sont tous inutiles. Il y a dans cette proposition beaucoup d’idées intéressantes.
Mais tout est question d’équilibre. En voulant bien faire, on en fait parfois trop ou plus que nécessaire.
Ça aurait pu être pire, remarquez. On aurait pu vouloir paver le sentier, l’éclairer, y peindre des lignes blanches pour en marquer les limites et des pointillés au centre pour permettre les dépassements. On s’en est heureusement abstenu.
Le tracé du sentier de terre battue va donc rester. Ce qui va se perdre, c’est autre chose. C’est le plaisir d’une nature «intacte». C’est le sentiment de douce délinquance à fréquenter un lieu «interdit» sur la propriété d’autrui.
Il y a un prix à payer pour rendre public un espace qui ne l’était pas. Cela implique des normes, des standards, des obligations pour rendre cet espace accessible et sécuritaire pour le plus grand nombre.
Jusqu’ici, les citoyens fréquentaient le sentier à leurs risques et n’avaient qu’eux à blâmer s’ils s’empêtraient dans l’herbe à puce ou trébuchaient sur une racine en descendant la «charcotte» jusqu’au chemin du Foulon, au pied de la falaise.
Cette responsabilité est désormais prise en charge par la Ville. Les travaux d’aménagement commencent à peine qu’on en voit les premières conséquences.
Une norme de la CNESST interdit à des ouvriers de travailler dans l’herbe à puce à proximité du sentier. Même en utilisant des outils mécaniques.
Cela va forcer la Ville à utiliser du glyphosate, un herbicide commercialisé sous le nom Roundup, perçu comme toxique pour l’environnement et à risque pour la santé.
L’épandage devait se faire la semaine dernière, mais a été repoussé à la suite des protestations de citoyens. Une assemblée d’information publique via Zoom a eu lieu mardi soir pour les citoyens du voisinage.
La Ville y a plaidé qu’elle n’a pas le choix d’utiliser le Roundup, mais qu’elle prendra toutes les précautions nécessaires : herbicide dilué, interdiction d’accès au site pendant 24 heures, information lors de l’intervention, etc. Arbres et arbustes voisins ne seront pas touchés, a assuré la Ville.
«On a été plus ou moins rassurés», rapporte Louis Vallée, membre du comité de suivi du PPU Sillery. Des citoyens continuent de croire qu’utiliser un herbicide toxique est incompatible avec l’idée d’un sentier naturel.
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