Vous êtes sûrement passés devant cet édifice des centaines de fois sans remarquer rien d’inhabituel. Une bâtisse commerciale de près de 150 ans abrite à son sommet le temple des francs-maçons de Québec depuis son édification en 1861.
Les francs-maçons sont une société initiatique, philosophique et philanthropique. Wikipédia offre une description encore plus vague en parlant d’un ensemble polymorphe de phénomènes historiques et sociaux formant un espace de sociabilité. Les premiers francs-maçons à Québec provenaient de certains détachements de soldats britanniques arrivés après la conquête. Ils ont occupé divers lieux dans la ville avant de se construire des temples officiels.
Les premières années et l’Auberge le Chien d’Or
La première manifestation publique documentée des francs-maçons à Québec a été en 1764. Le Lieutenant Miles Prentice invitait dans le Quebec Gazette, les lecteurs à prendre part à la fête maçonnique de la St-Jean d’été. Les réunions maçonniques étaient tenues à cette époque dans diverses tavernes de la ville dont la taverne Soleil sur la rue St-Jean et une autre sur la rue St-Vallier dans St-Sauveur.
L’ancien Hôtel Albion a aussi reçu les réunions maçonniques pendant un certain temps. Il s’agissait du meilleur hôtel de l’époque à Québec et elle appartenait à un franc-maçon du nom de Thomas Payne. Le nom de l’hôtel était emprunté sans doute de la loge Albion (voir plus bas) dont Payne faisait partie. L’hôtel a changé de nom plus tard pour le Stadacona et finalement l’Hôtel Victoria. L’emplacement original de l’Albion était au coin des rues Charlevoix et Côte du Palais, soit en face de l’emplacement actuel de l’Hôtel-Manoir Victoria. Cet hôtel a aussi servi pour les réunions du conseil municipal de Québec avant la construction de l’Hôtel de Ville.
Anciennement sur le terrain de l’édifice Louis S.-St-Laurent se trouvait la maison de Timothée Roussel, maître chirurgien. Elle avait été acquise autour de 1786 par Prentice pour en faire l’Auberge le Chien d’Or. L’auberge comprenait une salle franc-maçonnique, le « Freemasons’ Hall », qui permettait de tenir les réunions entre membres. La maison fut plus tard vendue pour y installer un bureau de poste et, en 1869, elle fut démolie pour être remplacée par un nouveau bâtiment. Toutefois, on a pris le soin de conserver la plaque originale de la maison. Elle est posée sur l’édifice actuel.
Masonic Hall: 51 Garden Street
Les francs-maçons de Québec occupent le 51, rue des Jardins depuis 1862. Ils avaient fait construire cet édifice de 4 étages en 1861. Elle fut inaugurée le 8 août. Le temple a été aménagé au 4e étage. Les trois autres étages ont toujours été loués à des fins commerciales.
L’extérieur de l’édifice arbore deux symboles typiques. À l’entrée, on voit une plaque avec le design d’un compas et d’une équerre déposés sur un livre. En haut de la façade, sous la corniche, on voit les mêmes symboles sculptés dans la pierre.
Le 4e étage est composé de 2 grandes salles. La salle de rituel est sur la façade de la rue St-Louis. Le plafond de cette salle est en forme de dôme et des nuages et des étoiles y sont peints. Le plancher est recouvert d’un tapis bleu foncé et des fauteuils de cérémonie en bois de différentes tailles sont installés le long des 4 murs. Une seconde salle avec un style gothique sert aux réunions plus sociales. Son plafond est soutenu par diverses arches et poutres de bois foncés. Les murs de cette salle sont ornés de divers souvenirs maçonniques, dont le plan de localisation original de la bâtisse et un encadrement de l’article original du journal Quebec Mercury, lors de l’inauguration de l’édifice en 1861.
À gauche, salle de rituel. À droite, la salle de banquet.
Les francs-maçons sont installés au dernier étage car, selon leurs croyances, un temple ne doit pas avoir de toit. Puisque ce n’était pas toujours possible, il doit être du moins le plus proche de l’être supérieur aux cieux.
L’édifice a subi plusieurs rénovations au fil des ans dues à son âge vénérable. Un ascenseur a été aménagé en 1956 et les escaliers de bois ont été remplacés. L’électricité a été refaite entièrement et les fenêtres de bois ont été remplacées au coût impressionnant de 100 000 $.
L’entretien onéreux de l’édifice historique est possible grâce aux revenus de location. L’emplacement a toujours été prisé par les bureaux d’avocats. L’ancien Palais de justice de Québec (Édifice Gérard D.-Lévesque), maintenant occupé par le Ministère des Finances, était le voisin immédiat à une autre époque. Le rez-de-chaussée est occupé par le Conti Caffe.
Le mobilier, notament les chaises, est de toute beauté. Le « vénérable Maître » occupe le siège du centre et préside avec un maillet.
Le « Volume de la Sainte Loi », représenté par la Bible, est déposé au centre du temple. Une des conditions pour devenir franc-maçon est de croire en un être divin, peut importe la religion. Seul l’Ancien Testament est considéré par les francs-maçons, car partagé par les trois religions mésopotamiennes.
Qui sont les francs-maçons de Québec?
Les membres sont répartis dans 2 groupes dits « loges symboliques » : St. John’s Lodge No. 3 et Loge Albion n°2. Cette dernière fut fondée en 1752 en Angleterre et elle est venue s’établir en Amérique puisque ses membres faisaient partie d’un détachement britannique. Les fondateurs des 2 loges étaient principalement des militaires et l’effectif a longtemps été dominé par ces derniers. D’ailleurs, plusieurs anciens combattants et quelques militaires sont parmi les membres actuels.
La société s’imliquait dans les affaires publiques à ses débuts. Exemple, les francs-maçons prenaient part dans la plupart des inaugurations d’édifices et de monuments publics en leur confiant la pose de la pierre angulaire (exemple, le Monument de Wolfe). L’Église catholique a toutefois voulu les éradiquer en menaçant d’excommunion toute personne s’affichant comme franc-maçon. Cette chasse aux sorcières les a habitués à être discrets, voire même secrets.
La franc-maçonnerie fut principalement anglophone jusqu’en 1987. Le fonctionnement de la loge Albion s’est converti alors au français. En date d’aujourd’hui, il y a autant de membres dans chacune des loges anglophone et francophone. C’est un fait étonnant puisque les anglophones représentent aujourd’hui seulement 2 % de la population de Québec. Aussi, la franc-maçonnerie attire beaucoup les nouveaux arrivants. Il y a une proportion élevée d’immigrants qui adhère à cette société. De plus, seuls les hommes sont admis parmi les membres. Il y a déjà eu jusqu’à 400 membres à Québec, mais aujourd’hui on en dénombre 200. Il y a 4 500 membres dans toute la province.
Une plaque immortalise les francs maçons de la loge de Québec mort au combat durant la Première Guerre. Il aurait été débattu de la pertinence de remplacer le drapeau par celui du Canada, mais il a été décidé de conserver le Britannique, couleur sous laquelle se sont battus les Canadiens à l’époque.
Toute décision importante étant décidée par vote secret, ce système de votation par boule a, qui sait, peut-être été utilisé lorsqu’il a été décidé de garder les couleurs britanniques au dessus de la plaque.
Nous voulons remercier l’Association Maçonnique Bénévole de Québec de nous avoir si gentiment accueillis dans leur temple et de nous avoir permis de faire découvrir à nos lecteurs ce lieu secret de Québec.
Références et sites d’intérêt :