Louise Boisvert
Radio-Canada
ANALYSE – Les citoyens du plateau centre de Sainte-Foy sont repartis résignés mercredi à la suite de la seule consultation publique pour le projet Le Phare, un des plus gros investissements privés des prochaines années à Québec. La Ville ira de l’avant malgré leur opposition. Devant l’inévitable, les citoyens ont profité de cette dernière tribune pour dénoncer la façon de faire de la Ville.
L’administration Labeaume semble avoir fait les choses à l’envers pour le projet du Phare.
Le projet du Groupe Dallaire, qui comprend la construction d’une tour de 65 étages à l’entrée de la Ville dans le secteur de Sainte-Foy, a d’abord été dévoilé dans les médias en 2015. Après quelques modifications, il a reçu un avis favorable de la Commission d’urbanisme de la Ville de Québec avant même qu’il ne soit présenté aux citoyens. Deux rencontres organisées par le Groupe Dallaire ont eu lieu au printemps. La Ville de Québec a tenu les siennes le mois dernier.
La Ville a même préparé deux avis de règlement pour permettre le changement de zonage du terrain, dernier obstacle à sa réalisation. Elle a eu recours à l’article 74,4 de sa Charte, un outil qui permet de soustraire le projet à un référendum.
Puis, elle a tenu une consultation publique à laquelle un peu plus de 150 citoyens ont participé mercredi soir. Moins d’une dizaine de mémoires ont été déposés. Pour un projet de cette envergure, c’est peu.
« La Ville a choisi l’article 74,4 pour être bien sûr de ne pas faire de compromis avec ses citoyens », a accusé une citoyenne. « Les gens ne se déplacent pas parce qu’avec les années, ils savent que les choses ne changent pas parce que tout a été prévu d’avance », a témoigné une autre.
Le projet ira de l’avant sans l’appui du Conseil de quartier.
Tout un contraste quand on sait que la Ville avait multiplié les rencontres, les échanges et les consultations en amont pour faire adopter le plan particulier d’urbanisme dans le secteur en 2012. Un consensus obtenu à la suite de plusieurs compromis, dont celui de ne pas permettre la construction de bâtiments de plus de 29 étages.
Ces citoyens auront vécu le meilleur et le pire du processus de consultation en l’espace de quelques années.
Prudence, transparence et inclusion
« Un projet d’exception exige une consultation d’exception », a lancé Carol Landry, citoyen du quartier qui dénonce le peu de temps accordé aux citoyens pour se faire entendre.
Un avis que partage la professeure de l’Université Laval, Irène Abi-Zeid, spécialisée dans la décision multicritères.
À la lumière des commentaires entendus mercredi soir, elle invite la Ville à réexpliquer pourquoi ce projet est un bon projet. « Si vous êtes certain dans votre âme et votre coeur que vous avez fait preuve de transparence, il ne s’agit pas de rallier tout le monde, mais de convaincre les gens qu’on les a écoutés et qu’on leur a fourni toute l’information », a-t-elle expliqué.
Elle rappelle que cette démarche doit être un exemple.
Politique de consultation publique
Il peut paraître surprenant de voir une telle démarche alors que la Ville de Québec planche sur une nouvelle politique de consultation publique. L’objectif est ultimement d’abolir le processus d’approbation référendaire que le maire Régis Labeaume a qualifié « d’antidémocratique » en commission parlementaire au printemps 2017 sur le projet de loi 122.
Depuis son adoption, les villes peuvent demander au ministère des Affaires municipales d’éliminer ce recours. En contrepartie, elles doivent soumettre une politique de consultation publique qui prévoit entre autres des rencontres en amont des projets et plus de transparence tout au long du processus afin d’obtenir une certaine acceptabilité sociale.
Tout cela a fait défaut dans le dossier du Phare.
En 2017, dans une étude commandée par la Ville de Québec pour évaluer ses pratiques en matière de consultation publique, l’Institut du Nouveau Monde concluait déjà que le projet du Phare avait entraîné une « perte de confiance » des citoyens envers le processus de consultation.
L’administration Labeaume n’a jamais corrigé le tir.
« Quand le projet de loi 122 a été adopté, on savait bien que le test pour savoir ce que la Ville avait en tête pour la consultation publique ce serait le dossier du Phare », a souligné Mireille Bonin à la séance publique mercredi soir.
Pour les citoyens du plateau centre de Sainte-Foy et les autres qui se sont prononcés contre l’abolition du processus d’approbation référendaire, tout ceci n’augure rien de bon.
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