Charlotte Gagnon-Ferembach et Rodolphe Gagnon
Diplômée en urbanisme et historien
Beaucoup a été dit et écrit sur un nouveau lien entre Québec et Lévis : soit un tunnel sous le fleuve pour relier les autoroutes 20 et 40, voire les centres-villes ; soit, en périphérie, un troisième pont situé en amont ou en aval, direction ouest ou est. Toutes des propositions qui présentent de l’intérêt à court terme (désengorger le réseau routier), mais demeurent prisonnières d’un mode de transport dominant : l’automobile, véhicule émetteur de gaz à effets de serre. Et à long terme, des propositions qui conduisent fatalement à une impasse.
On sait que l’ajout de voies de circulation stimule le développement immobilier et accroît la demande et l’achalandage sur les axes de transport. Cela fait en sorte que la capacité routière est à nouveau rapidement insuffisante, malgré les dépenses importantes engagées en construction et en entretien. Bref, des réponses partielles et temporaires à un problème vaste et complexe.
Alors que faire ? Peut-être qu’il existe des avenues plus écologiques, plus efficaces et plus rentables…
Un concept écologique
Le concept proposé ici est simple, mais ambitieux : relier les centres-villes de Québec et de Lévis par un pont léger sur lequel circulerait un tramway-navette pour passagers. Évidemment, sur cedit ouvrage, une voie serait réservée aux courageux piétons et intrépides cyclistes (interdites, les motos cylindrées). Un trajet dont les terminus seraient situés, côté Lévis, à la Fédération des caisses populaires Desjardins (complexe accolé aux Galeries Chagnon) et, côté Québec, au carrefour du Manège militaire, du Grand Théâtre et du Musée des plaines d’Abraham (donnant sur la Grande Allée). Cela rendrait d’autant plus pertinent le tramway prévu dans la ville de Québec en combinant des modes de transport en commun en vue d’offrir une solution de remplacement réellement intéressante à l’automobile et au voyageur. Et cela créerait un pôle d’échanges intermodaux qui facilite les déplacements tout en redynamisant les centres urbains des deux municipalités riveraines.
Quant au pont proprement dit, pour le tramway-navette, il prendra appui sur les falaises nord et sud du fleuve. Son architecture devra traduire légèreté, élégance et résistance ; s’harmoniser avec l’environnement et jouer avec la lumière donnant sur eaux et murailles. Bref, un design audacieux, une oeuvre d’art et de prouesse, en communion avec les assises historiques (terrestres et maritimes) des deux municipalités soeurs.
Sur son tablier, le pont pourra comprendre des belvédères permettant d’admirer le paysage et d’y pique-niquer — un arrêt du tramway pourra y faire halte en belle saison. S’y retrouveront musiciens, artistes, artisans et acrobates…
Par rapport aux propositions déjà connues, nous relevons, sans les hiérarchiser, les principaux avantages de notre projet… Le premier, d’ordre financier : des économies substantielles reposant sur l’arrimage au réseau de transport en commun, d’où l’optimisation des structures déjà existantes. Le second, d’ordre environnemental : une diminution du nombre de véhicules dans les centres-villes, d’où moins de pollution dans l’atmosphère. Le troisième, de facture sociétale : une densification urbaine au coeur des municipalités, d’où une activité socioéconomique et culturelle dynamisée. Le quatrième : une rationalisation des déplacements pour les travailleurs voyageant fréquemment d’une rive à l’autre, d’où une économie de temps et d’énergie.
Note : les traversiers maritimes resteraient en service entre les deux rives.
Pas question de dénaturer les plaines d’Abraham, quitte à mettre sous le sol une partie de la voie ferrée appelée à longer la Citadelle. Il y a moyen de construire un tramway-navette esthétique et discret qui permet de respecter voire de revaloriser cet environnement exceptionnel tout en y facilitant l’accès.
Gestionnaire des plaines d’Abraham, le gouvernement fédéral est un acteur incontournable. Il sera évidemment appelé à financer un pourcentage considérable des travaux.
Un regard neuf
Quant à la traduction de ce concept, d’un tramway-navette, nous nous en remettons aux personnes et services compétents en la matière. Notre proposition est d’abord un appel à élargir les horizons, à porter un regard neuf. Mais qu’importe le projet d’infrastructure adopté par le gouvernement du Québec, il devra s’appuyer sur une démarche scientifique et reposer sur une adhésion des communautés riveraines. D’autre part, notre proposition n’est pas incompatible avec l’ajout (vraisemblable) d’un tunnel sous-fluvial ou d’un pont supplémentaire aux deux existants. Elle pose, toutefois, la nécessité d’imaginer ce que, demain, sera le prochain lien entre les deux villes soeurs : un lien autre, pensé cette fois pour les générations à venir.
Ici s’arrête notre dérive d’une ville à l’autre… Et si c’était la voie de la raison !
La suite
* Merci à un fidèle lecteur (L. Bélanger)