François Bourque
Le Soleil
Le projet d’une rue partagée sur René-Lévesque pour faciliter le passage du tramway près de la rue Cartier a mis le feu aux poudres des relations entre le maire de Québec et le gouvernement Legault.
Les élus de la CAQ s’y opposent et en font désormais une condition de leur appui au tramway.
La sortie de Bruno Marchand cette semaine avait le ton et la vigueur de celles parfois du maire Labeaume. Il reproche au gouvernement de s’ingérer dans un champ de compétence et d’expertise de la Ville.
«Laissez-nous travailler, c’est nous qui sommes les pros», a-t-il plaidé en parlant de l’aménagement du centre-ville.
L’Union des municipalités du Québec, qui représente les grandes villes du Québec, appuie M. Marchand et dénonce elle aussi «l’ingérence».
Sous le précédent gouvernement, l’idée de l’autonomie municipale avait beaucoup progressé. Les villes y étaient saluées comme des «gouvernements de proximité», avec le respect et la latitude qui viennent avec.
Cette façon de s’immiscer dans le détail du projet de tramway de Québec à grands coups de poing sur la table est en rupture avec ce courant.
On note ici que le gouvernement Legault s’est gardé d’intervenir à Montréal, bien que le projet de REM de l’Est soulève aussi un problème d’acceptabilité. Et, à la différence de Québec, pas juste pour une partie des citoyens, mais pour tous les élus municipaux concernés.
Ce nouveau bras de fer pour le «contrôle politique» de la région de Québec à la veille des élections provinciales de l’automne a fait débat toute la semaine à l’Assemblée nationale et au-delà.
Rien pour faire progresser l’acceptabilité et la connaissance du projet.
Il est à souhaiter qu’après les coups de gueule, les esprits vont se calmer et qu’une discussion plus éclairée pourra s’engager.
Le gouvernement Legault tient pour acquis que le projet de rue partagée va provoquer une hausse intenable de la congestion dans l’axe Grande Allée-Laurier menant aux ponts.
Les «modélisations» préliminaires suggèrent en effet que les temps de déplacement vont s’allonger sur Grande Allée à l’heure de pointe de l’après-midi.
Des citoyens qui votent en périphérie et sur la rive sud pourraient en souffrir, craint la CAQ.
À l’inverse, d’autres artères et rues de la haute-ville profiteront par moments d’une baisse de la circulation, dit l’étude.
À quel point peut-on se fier à cette étude de trafic par qui le scandale vient d’arriver?
(…)
Les auteurs avaient alors passé en revue 150 sources scientifiques, dont plus d’une soixantaine d’études de cas sur des fermetures de routes ou de ponts en Europe et en Amérique.
Ils notaient que les études de modélisations de trafic s’appuient toujours sur la prémisse que lors d’une fermeture de route, tous les véhicules vont se déplacer vers une autre artère.
La conclusion est que cela va provoquer un niveau de congestion inacceptable sur d’autres routes et qu’il va en résulter un «traffic chaos». Cette perception est parfois si forte qu’elle a empêché de procéder au changement projeté, notent les auteurs de l’étude.
On croirait les entendre parler du projet de tramway de Québec. Ici aussi, l’étude de modélisation tient pour acquis que tout le trafic détourné de René-Lévesque se retrouvera ailleurs.
Ces modèles de simulation échouent à prendre en compte les comportements humains, décrivent Frederic Héran et Paul Lecroart de l’Institut d’aménagement et d’urbanisme d’Ile-de-France.(2)
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