François Bourque
Le Soleil
CHRONIQUE / À quelle distance de marche habitez-vous du dépanneur le plus proche, de l’épicerie, d’un café, un resto de quartier ou de l’arrêt d’autobus pouvant vous mener dans un temps raisonnable au travail ou à l’école? Si votre réponse est plus dix minutes, les probabilités sont fortes que vous préférerez prendre la voiture plutôt qu’aller à pied.
Surtout s’il fait froid ou mauvais, s’il y a une côte à monter, une artère chargée à traverser, s’il n’y a pas de trottoir, s’il y a des paquets à rapporter ou un enfant fatigué à ramener de la garderie.
Ce sont toutes de bonnes raisons pour préférer l’auto à la marche, au vélo ou au transport public. Il ne s’agit pas ici de blâmer qui que ce soit ni de démoniser l’auto et ceux qui l’utilisent. J’en suis moi aussi.
Il s’agit seulement de prendre la mesure des difficultés qui nous attendent si on espère une ville moins dépendante de l’auto comme disent le souhaiter les villes de la Communauté métropolitaine.
«Pour construire les villes de demain, nous devons sortir de nos voitures», titre le magazine National Geographic dans son excellent numéro d’avril consacré à l’avenir des grandes villes.
Les principes d’aménagement qui y sont décrits valent aussi pour des villes plus petites comme la nôtre, même s’il n’y a pas ici la même urgence peut-être que dans des mégapoles en pleine explosion démographique.
L’architecte et urbaniste émérite Jan Gehl (Copenhague), qui est cité dans un des articles, a déjà résumé ainsi cette idée toute simple, mais essentielle : construire les villes pour les gens et non pour les autos.
Cela veut dire des espaces publics, des trottoirs larges, des parcs et de la verdure, l’accès à des milieux naturels, la proximité de services et commerces, etc. National Geographic parle aussi d’efficacité énergétique et d’un recours massif aux nouvelles technologies.
(…)
Réduire la dépendance à l’auto n’est pas simple et les villes partent de réalités parfois bien différentes.
Le monde est ici divisé en deux.
1. Celui des quartiers centraux de Québec, des anciens noyaux villageois de la périphérie et des rues commerciales d’avant la guerre, façonnés à une époque où il n’y avait pas (ou peu) d’autos.
On y retrouve des rues (relativement) étroites, une forte densité, de la mixité et des services et des lieux d’emplois à portée de marche ou des transports publics : écoles, commerces, églises, usines, salles paroissiales, parcs, restos du coin, etc.
Dans ces quartiers conçus dès l’origine pour aller à pied, la marche représente encore aujourd’hui une part modale significative.
2. Et il y a l’autre monde, celui des quartiers résidentiels aérés des banlieues, parcs industriels et autres excroissances urbaines des années 1960 à aujourd’hui où il est souvent impossible d’aller sans auto. Les distances y rendent la marche impraticable, sauf à des fins récréatives.
On densifie aujourd’hui ces quartiers en y insérant de nouvelles unités d’habitation et parfois des projets résidentiels d’envergure. C’est une bonne chose, mais ça ne réduit pas la dépendance à l’auto. Ça ne fait souvent qu’y ajouter.
Si on souhaite que les citoyens utilisent moins l’auto, il faut qu’il y ait des destinations utiles, commerces ou services, à portée de marche.
Cette diversité d’usages n’est pas facile à implanter dans des quartiers de banlieue déjà construits et vieillissants où il n’y a pas la masse critique pour faire vivre des commerces locaux.
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