Gabriel Béland
La Presse
(Québec) Une étude confidentielle commandée par Ottawa montre que Québec est mal desservi en liens interrives en comparaison des villes similaires, un argument que ne manquera pas de faire valoir le gouvernement de François Legault au moment de demander un financement fédéral pour son troisième lien.
« En analysant des villes similaires, il est clair que la plupart d’entre elles ont plus de trois liaisons fixes avec l’autre côté du cours d’eau », peut-on lire dans l’Étude sur l’impact économique du pont de Québec, document obtenu par La Presse en vertu d’une demande d’accès à l’information.
Le rapport produit par la firme CPCS et daté de mars 2021 a été commandé par Infrastructure Canada. Il conclut que le pont de Québec, qui est en manque criant d’investissements, est un lien essentiel pour la capitale nationale.
La firme a mené un exercice intéressant : elle a analysé des villes similaires en Amérique du Nord, situées sur le bord de cours d’eau d’au moins 500 m de large. Elle a déterminé 10 zones métropolitaines de 300 000 à 2 millions d’habitants (le Grand Québec en compte 800 000). Parmi ces 10 exemples, seuls 3 ont deux liens interrives ou moins. La capitale québécoise en compte deux avec les ponts de Québec et Pierre-Laporte.
Memphis, au Tennessee, ne compte que deux ponts qui enjambent le fleuve Mississippi. Mais l’analyse se presse de préciser que seuls 50 000 habitants résident sur l’une des rives du fleuve (Lévis compte quelque 150 000 habitants).
Une troisième région métropolitaine n’a qu’un pont, Evansville, dans l’Indiana. « Cette région métropolitaine compte 315 000 habitants, soit 2,5 fois moins que la région de Québec », peut-on lire dans le document commandé par Infrastructure Canada.
Mais les sept autres exemples similaires dénichés par les auteurs de l’étude ont plus de deux liens interrives. La plupart en comptent trois, mais Harrisburg en compte cinq, et Davenport ainsi que Louisville en ont quatre.
Les auteurs ont aussi fait l’exercice avec des villes bordées par des cours d’eau de plus de 300 m de large. Le résultat était semblable.
Faut-il sauver le pont de Québec ?
L’Étude sur l’impact économique du pont de Québec n’a toutefois pas été commandée par Ottawa pour conclure sur la nécessité ou non d’un nouveau lien interrive entre Québec et Lévis.
Le rapport a été écrit dans un contexte où le pont de Québec a plus de 100 ans et nécessite des travaux importants. L’ouvrage appartient au CN, mais Ottawa envisage de le racheter.
Ottawa et Québec ne s’entendent toutefois pas sur la part que chacun devra payer pour l’entretien du pont, qui doit coûter plus d’un demi-milliard. Le gouvernement de François Legault s’est déjà engagé à remplacer le tablier au coût de 200 millions.
Se passer du pont de Québec n’est toutefois pas une option, avertissent les auteurs de l’étude. « Ce qui est clair, c’est qu’aucune zone métropolitaine au-delà d’une certaine taille ne dispose que d’un seul pont », peut-on lire.
« Le pont est d’une importance cruciale pour assurer la redondance du pont Pierre-Laporte » en cas de catastrophe naturelle, poursuivent les auteurs.
Le pont de Québec est aussi névralgique pour le transport ferroviaire. CPCS note qu’il est aussi essentiel pour les cyclistes utilitaires, car la seule autre option pour franchir le fleuve est le traversier, à 15 km de là.
La fermeture du pont de Québec, sans son remplacement, créerait des bouchons importants près du pont Pierre-Laporte. Les automobilistes perdraient presque 600 000 heures dans la congestion, selon des modélisations.
« Le pont est un élément essentiel du réseau de transport de la région de Québec en raison de sa capacité multimodale et de sa redondance. C’est également un lien important du réseau de transport national, car il fournit un accès ferroviaire efficace au port de Québec », concluent les auteurs.
L’article
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