François Bourque
Le Soleil
Mais quelles sont ces banlieues que le gouvernement Legault trouve mal servies par le projet de transport de Québec ?
Celles des bungalows de l’après-guerre, des quartiers-dortoirs et des premiers centres d’achat?
Celles qui ont suivi dans la seconde «couronne», accrochées aux autoroutes? Celles des années 70 de l’après Pont Laporte sur la Rive Sud?
Les nouvelles banlieues du nord, de la côté de Beaupré à Portneuf, de plus en plus loin de la ville historique mais toujours dans sa zone d’attraction?
Il faudrait comprendre ce que veut dire le premier ministre Legault quand il parle de mieux desservir les banlieues.
Je suis comme vous, un peu perdu. Beaucoup même. Peut-être monsieur Legault l’est-il aussi tant sa posture est difficile à suivre.
Si on résume, le gouvernement a pris prétexte de l’abandon des «trambus» pour suspendre son appui au projet. Il reproche à Québec d’avoir largué les banlieues au profit du seul tramway.
Le gouvernement perçoit que dans le projet de 3,3 milliards $, il n’y en a plus que 200 M$ qui iront à l’amélioration du service dans les banlieues, alors qu’il y en avait un milliard $ avec les trambus.
Cette petite logique comptable, qu’on vient de découvrir dans la récente intervention du premier ministre Legault à l’Assemblée nationale, repose sur plusieurs prémisses inexactes.
L’argumentaire ne tient pas la route.
Voici pourquoi.
1- Le projet initial prévoyait deux lignes trambus, une première entre d’Estimauville et Sainte-Foy (via Charest) et une autre, très courte, entre St-Roch et Expo-Cité.
Ces trambus (autobus articulés de forte capacité) auraient roulé à une fréquence rapide dans des corridors réservés exclusifs et sécurisés comparables à ceux du tramway, d’où leur coût élevé.
On peut plaider que d’Estimauville est un quartier de banlieue. Ou l’a été jusqu’à tout récemment.
Mais peut-on sérieusement soutenir qu’un trambus à travers Limoilou, St-Roch, St-Sauveur et St-Malo pour rallier l’Université Laval était une desserte de banlieue?
2- Le service dans les corridors de trambus n’a pas été abandonné. Les trambus ont simplement été remplacés par des Métrobus. Ceux-ci vont offrir un bon niveau de service, pour peu qu’on leur donne priorité sur les voies publiques.
Ce ne sera peut-être pas aussi performant qu’un tramway ou un trambus. Mais assez pour répondre aux besoins de déplacements actuels dans ces corridors.
Sans compter que plusieurs de ces quartiers seront aussi desservis par le tramway (St-Roch, Limoilou, Université Laval, etc).
3- Opposer le milliard $ du trambus aux 200 M $ pour desservir les banlieues est démagogique. C’est aussi un faux débat.
L’important pour le citoyen, ce n’est pas que les pouvoirs publics dépensent un milliard $ dans les corridors de trambus. L’important, c’est d’avoir accès à un service de transport public efficace. Dans les corridors de trambus comme ailleurs.
Le débat comptable soulevé par M. Legault semble tenir davantage de préoccupations politiques partisanes que d’un réel souci d’offrir un meilleur service.
4- Le RTC a présenté au début de l’été 2020 un plan d’ajout de plusieurs nouvelles lignes Métrobus vers les quartiers périphériques.
Ce plan prévoit aussi de nouvelles voies réservées ainsi que de nouveaux stationnements incitatifs. Avec ce plan, les banlieues n’auront jamais été autant desservies.
Les budgets d’immobilisation et d’opération de ces nouveaux services ne viendront pas du budget du tramway. Et alors? Vous y voyez un problème ?
L’argent viendra de la ville, du gouvernement et (un peu) des usagers, comme pour tout projet de transport public. Que cela passe par l’enveloppe du tramway ou pas importe peu.
L’important, c’est d’offrir un service assez attrayant pour que les citoyens puissent avoir le goût de le choisir, plutôt que d’être contraints à prendre l’auto dans le trafic.
5- Le RTC vient de confirmer il y a quelques jours l’ajout d’un nouveau service de transport en commun à demande (Flexibus) qui sera déployé principalement dans la périphérie. Une sorte de taxibus.
Il reste à en négocier les contours, notamment avec le syndicat des chauffeurs. Mais il s’agit là aussi d’une amélioration de l’offre de service en banlieue.
Ça ne viendra pas non plus du budget du tramway, mais qu’est-ce ça change?
(…)
Mais la question demeure.
Quelles sont ces banlieues que le gouvernement de la CAQ dit vouloir mieux servir? Celles des familles? Celles des navetteurs? Celles des quartiers déjà densifiés ou à développer?
Ou celles des députés de la CAQ tannés d’entendre leurs citoyens grogner contre le tramway?
La suite