François Bourque
Le Soleil
La pandémie, un changement de promoteur et l’entrée en scène d’un nouveau maire à Québec concourent à maintenir l’incertitude sur le projet Humaniti, anciennement Le Phare.
Le promoteur Cogir, qui a pris le relais du Groupe Dallaire à l’automne 2020, refuse pour le moment de commenter l’état des choses.
Ce n’est guère plus clair du côté de la nouvelle mairie. J’ai compris qu’il n’y avait pas eu encore de discussion ou de négociation en haut lieu entre les parties.
En campagne électorale, le candidat Bruno Marchand avait été très ferme. La façon dont le Programme particulier d’urbanisme (PPU) a été changé pour autoriser un Phare à 65 étages était à son avis une «erreur».
Ce PPU était le résultat de consultations auprès des résidents du quartier, rappelait-il alors. On n’aurait pas dû «déchirer unilatéralement» ce contrat.
Je ne sens plus aujourd’hui cette même fermeté.
La réponse officielle du cabinet est que M. Marchand souhaite toujours un projet qui respecterait la limite de 29 étages du PPU d’origine.
On estime cependant qu’il est «trop tôt pour avoir un avis éclairé». On veut d’abord approfondir et mieux comprendre le dossier.
«Dans une élection, il y a des informations qu’on n’a pas», me fait-on valoir, pour expliquer sa posture plus nuancée.
C’est comme pour les fils électriques, les arbres et la dalle de béton du tramway, finalement. En campagne, on émet des souhaits et des volontés, mais une fois au pouvoir, on découvre qu’il n’est pas toujours possible de faire ce qu’on voulait.
Avec Le Phare-Humaniti, l’administration Marchand découvre qu’elle a «hérité d’un passé complexe» et qu’elle ne «peut pas défaire les choses spontanément».
Dans quelle mesure la Ville de Québec est-elle liée par le changement de zonage imposé par l’administration Labeaume?
A-t-on évalué ce qu’il en coûterait pour dédommager le promoteur si on voulait revenir à l’ancien zonage?
On me dit que cette évaluation n’est pas faite.
Ce qui est connu cependant, c’est que si une Ville laisse travailler un promoteur pendant des mois ou des années, il risque d’y avoir une facture si on change les règles en cours de route.
Lors de ses dernières communications publiques, à l’automne 2020, Cogir disait avoir renoncé à la grande tour de 65 étages prévue au Phare.
Le promoteur évoquait plutôt quatre tours, soit 53 étages, 40 étages et deux tours de 31 étages. Il comptait y loger 2000 à 2400 résidents (condos, logements, etc.), deux hôtels (200 chambres), près de 300 000 pieds carrés de bureaux et commerces, une salle de spectacles extérieure, un jardin, etc.
On ignore pour le moment si ce plan tient toujours après une pandémie qui se prolonge, le télétravail en plein essor et l’inflation qui s’emballe.
Ce qui est sûr, c’est que des tours à 40 ou 53 étages, c’est en collision directe avec le discours de campagne du maire Marchand.
Comme pour la Rive-Sud, le transport en commun sera une condition importante pour limiter l’impact sur la circulation.
Le tramway ne passera pas à la porte de Humaniti comme il était prévu pour Le Phare, mais ce sera tout près. L’îlot restera cependant «enclavé» entre l’autoroute Henri-IV et le boulevard Laurier, ce qui limitera l’accès aux voitures et aux piétons.
Le gouvernement de la CAQ, si prompt à s’inquiéter d’un changement à la circulation sur René-Lévesque au centre-ville, n’a jamais rien dit sur ce projet massif directement dans l’entonnoir des ponts. Il y aurait pourtant de bons motifs de questionnement.
Outre l’enjeu de circulation, l’impact urbain de quatre tours d’une hauteur supérieure au «G» ou au Jules-Dallaire sur un même terrain fait réfléchir. Ce n’est pas le modèle habituellement recherché. On souhaite aujourd’hui des projets ouverts et branchés sur les réseaux piétons et de vélo du voisinage. L’environnement ingrat de l’îlot rend cela difficile.
La forte concentration de bureaux prévue à Humaniti risque-t-elle «d’aspirer» tout le potentiel économique post-pandémique de Sainte-Foy?
Cela aura-t-il pour effet de retarder d’autres projets de tours qui pourraient être intéressantes pour le boulevard Laurier si elles permettent d’occuper des terrains vacants? C’est possible, mais le contraire est possible aussi. Humaniti pourrait se faire couper l’herbe sous le pied par les autres projets qui démarreraient plus vite.