Québec Urbain

L’Urbanisme de la ville de Québec en version carnet…


Pourquoi le tramway de Québec a-t-il disparu, en 1948?

Par Envoyer un courriel à l’auteur le 13 novembre 2020 Commentaires fermés sur Pourquoi le tramway de Québec a-t-il disparu, en 1948?

Catherine Lachaussée
Radio-Canada

Le tramway électrique est resté longtemps sur les rails à Québec avant d’en être éjecté. Entré en fonction en juillet 1897, il est retiré de la circulation en mai 1948, après 50 ans de loyaux services. Pourquoi a-t-il disparu des rues? Pour plusieurs bonnes raisons, explique l’un des spécialistes du sujet à Québec, l’historien amateur Jean Breton.

Des économies de bouts de chandelle

La rentabilité des compagnies de tramway est un vrai défi au début du 20e siècle. Leurs finances étaient souvent précaires. En 1919, elles ont été 26 en Amérique du Nord à se retrouver en faillite précise Jean Breton.

Elles ne profitent d’aucune subvention publique et reposent entièrement sur les investissements de leurs actionnaires. Aussi, par souci d’économie, la Quebec Railway Light and Power Company s’est souvent tournée vers le marché des véhicules usagés pour renflouer sa flotte, au grand dam de sa clientèle.

À partir de 1916, le réseau de la capitale s’est rempli de vieux wagons dépareillés, souvent inconfortables, achetés d’abord à Philadelphie, puis à Montréal, New York, Boston et Toronto. Cette série d’achats malheureux va culminer pendant la Seconde Guerre mondiale, alors que les bonnes affaires étaient devenues rares.

Une crise économique qui fait mal

En 1929, le krach boursier de Wall Street vient bouleverser l’économie du monde entier, et la Quebec Railway n’est pas épargnée. En un an, l’affluence dans ses véhicules a baissé de moitié, explique Jean Breton. Ses revenus provenant essentiellement de la billetterie, la compagnie s’est retrouvée dans une situation difficile quand elle s’est vue forcée de geler ses tarifs pour ménager sa clientèle appauvrie.

Elle avait pourtant un atout important dans son jeu : elle détenait le monopole de la vente d’électricité pour toute la ville! Mais à cause de la crise, ses tarifs d’électricité aussi avaient dû être revus à la baisse.

Cette disette tombait mal. Elle venait d’investir une fortune pour refaire son réseau de rails de 42 kilomètres, acheter de nouvelles voitures et remplacer 200 poteaux pourris, qui menaçaient de tomber avec leur filage électrique.

Le tramway sur les rails dès 1865

Québec a eu son tramway dès 1865, mais il s’agissait de voitures tirées par des chevaux, sur rails, mais sans filage électrique. Cette première version de notre transport en commun est demeurée en service jusqu’à l’arrivée du tramway électrique. Plusieurs des circuits du temps ont d’ailleurs servi de point de départ au réseau plus moderne qui a pris la relève, mais la porte Saint-Jean a dû être démolie pour laisser passer les nouveaux tramways et leur encombrant système de poteaux et de fils.

Des détours à n’en plus finir

L’un des problèmes qu’affronte le tramway électrique dès ses débuts, en 1897, c’est l’étroitesse de nombreuses rues de la ville. Plusieurs n’ont qu’une seule voie. Cette contrainte va entraîner la création de longs circuits en forme de boucles, où les tramways ne circulent que dans un sens. En basse-ville, les circuits du Vieux-Limoilou, de Saint-François d’Assise-Stadacona et de Saint-Sauveur-Saint-Malo s’avèrent particulièrement pénibles pour les usagers, qui perdent un temps fou à aller d’un point A au point B.

Les automobilistes et les camionneurs, de plus en plus nombreux dans les rues, amplifient le problème, reprochant aux tramways de leur bloquer la voie, alors que les tramways, de leur côté, subissent les inconvénients d’une circulation qui s’alourdit d’année en année.

La banlieue négligée

Au fil du temps, la Quebec Railway semble s’être déconnectée des besoins de certains usagers, installés de plus en plus loin du centre-ville. Alors que l’administration des débuts avait su se servir du réseau pour développer la banlieue, celle qui suit dans les années 1920 semble plus soucieuse de faire des profits que de jouer les promoteurs.

En 1930, alors que la ville connaît une croissance considérable, la compagnie fait face à une série de plaintes d’usagers insatisfaits de Charlesbourg, Saint-Sacrement et Limoilou, qui réclament tous qu’on améliore le service. Les transformations demandées s’avèrent coûteuses, et le manque d’écoute de la compagnie envers sa clientèle en périphérie contribue à ternir sa réputation.

L’autobus fait son numéro

L’autobus cohabite avec le tramway dès 1916 dans la banlieue de Québec, et gagne vite en popularité. N’ayant pas besoin de rails pour rouler, il nécessite peu d’investissements, et s’avère très flexible.

En 1938, la compagnie Ford profite de la tenue à Québec du congrès annuel de l’American Transit Association pour présenter au maire Lucien Borne et à tous ses conseillers un petit bus carré de 25 pieds et de 27 sièges, dans lequel on les amène en tournée à travers la ville.

La visite se conclut chez Champoux, un concessionnaire en vue de la capitale, qui se fait un plaisir de vanter les multiples avantages du bus Ford par rapport au tramway. Ces premiers bus étaient tout petits, encore plus qu’un Midibus. On les appelait des boîtes à lunch, illustre Jean Breton.

Mais le maire est conquis.

La Ville est fatiguée d’entendre ses citoyens se plaindre du tramway. Il faut qu’on enlève ces tas de ferraille qui traînent dans le milieu de nos rues aurait déclaré un conseiller excédé. En 1938, la Ville décide que tous les tramways sur son territoire devront être remplacés par des bus avant le 31 août 1941. Et elle commence progressivement à retirer les rails des rues.

Un scénario condamné à se répéter?

En 1938, Sillery devient la première ville de la région à rouler exclusivement en bus. Les plans de Québec sont cependant retardés par l’arrivée de la guerre. L’accès restreint au carburant ainsi qu’aux pneus, à partir de 1942, l’oblige à se rabattre sur ses tramways pour plusieurs années encore. Elle doit même en acheter de nouveaux pour réussir à maintenir son service, alors que les rares autobus acquis jusque là roulent à pleine capacité.

Mais la transition n’est que partie remise. En mai 1948, les derniers tramways de la capitale sont retirés des rues. Ils connaissent une triste fin. La plupart sont brûlés. Seuls quelques-uns prennent le chemin de musées nord-américains.

Le mouvement de transition vers l’autobus est alors international, rappelle Jean Breton. Au début des années 1960, les villes qui ont choisi de conserver leur réseau de tramway — comme Toronto — font figure d’exceptions. Aux États-Unis, le cartel Esso/Goodyear/GM a joué un rôle majeur en encourageant les villes à se débarrasser de leurs tramways au profit du bus, rappelle Breton. Mais à Québec, le problème semble avoir été surtout économique. Remplacer les voitures coûtait une fortune. Pour une compagnie privée, c’était insoutenable à long terme.

En 2020, le portrait semble assez différent. D’une part, les réseaux de transport en commun peuvent compter sur les fonds publics, mais une nouvelle équation a aussi fait son apparition : la question environnementale.

« On n’avait aucun souci écologique, en 1938. C’est probablement ce qui est le plus fort aujourd’hui pour motiver un retour du tramway, en plus du fait que la technologie a bien changé. À l’époque, quand un tramway passait dans la rue, c’était un véritable tremblement de terre. Aujourd’hui, avec les wagons de dernière génération, les choses risquent d’être bien différentes », conclut-il.

L’article avec plusieurs photos d’époque.

Voir aussi : Histoire, Projet - Tramway, Tramway à Québec, Transport, Transport en commun.

Bourg-Royal: de nouvelles rues, un parc et 120 grands lots «luxueux»

Par Envoyer un courriel à l’auteur le 13 novembre 2020 Commentaires fermés sur Bourg-Royal: de nouvelles rues, un parc et 120 grands lots «luxueux»

Baptiste Ricard-Châtelain
Le Soleil

Un gros développement immobilier est en gestation dans le quartier Bourg-Royal de l’arrondissement Charlesbourg. De nouvelles rues, un parc, au moins 120 grands lots «luxueux» pour des unifamiliales et des jumelés… Les terrains boisés du nord-est du Carré de Tracy seront méconnaissables.

«Le projet est décidé, tout est fait», avance l’agent immobilier et investisseur discret Pierre Lefrançois, joint par Le Soleil. «C’est sur les rails ; le projet devrait apparaître en 2021.»

«C’est majeur», se réjouit celui qui se présente comme un entrepreneur «low profile» qui attend que les fils soient attachés avant de s’avancer. Sans entrer dans les fins détails, il calcule que les terrains qu’il a acquis au cours des 2 ou 3 dernières années valent «plusieurs millions», peut-être 8 millions $. Une fois subdivisés et desservis, les lots grimperont à plus ou moins 18 millions $ — «Ça, c’est juste les terrains avec les infrastructures».

Ajouter des maisons sur chacune des parcelles qui disposeront d’une façade d’une longueur oscillant entre 16 mètres à 22 mètres : sommairement 22 millions $ de plus, au moins.

Total: 40 millions $ en valeur foncière.

Notre interlocuteur évoque un «projet d’envergure».

Déjà vendus !

«C’est déjà tout vendu.» Pardon ? Pierre Lefrançois précise : tous les lots ont été acquis par des entrepreneurs en construction qui y érigeront des maisons «sur mesure».

Les particuliers pourront donc acheter les propriétés ultérieurement.

L’investisseur s’affiche confiant. Le secteur est populaire, selon lui. «On estime qu’on va le bâtir sur une période de deux ans. Et ça ne répondra pas à la demande. Il y a trop de demande.»

Il est toutefois trop tôt pour l’appeler, dit-il. Mais si des consommateurs ont un intérêt, ils les invitent à se rendre sur la rue Dover, tout près, un autre secteur qu’il a développé. Là, assure-t-il, les propriétés se sont envolées : «En six mois, presque toutes les maisons étaient vendues à des privés.»

Compléter le cercle

Histoire de situer encore mieux le terrain, vous pourriez vous rendre sur le Web, pour regarder une carte de «Bourg-Royal» ou de «Carré de Tracy». Le quartier forme un immense cercle. Mais une grande pointe de la tarte, en haut à droite, est verte. C’est là.

La rue Anne-Pivain sera prolongée, en courbe, pour atteindre la rue Astrid : «On continue le rond du Carré de Tracy.» Ce sera la limite nord. D’autres voies pavées découperont le développement.

Par où sortiront les automobilistes de ce quartier? Pas sur Carré de Tracy Est, assure Pierre Lefrançois. Plutôt directement sur l’avenue du Bourg-Royal où les investisseurs ont mis la main sur un immeuble de 4 logements pourvu d’un grand gazon qui fera place à une nouvelle rue.

Un parc

Les plus attentifs auront remarqué qu’il restera encore de la forêt au nord, au-delà de la rue Anne-Pivain. Notamment là où la Ville de Québec possède un grand terrain, celui de l’ancien camp Bourg-Royal.

En 2014, quand elle l’a acheté, la Ville avait démoli les bâtiments du camp. Trop populaires auprès des vandales, ils étaient visités à l’occasion par les pompiers.

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Voir aussi : Arrondissement Charlesbourg, Logement locatif ou social, Résidentiel.

Tramway: 98 arbres condamnés sur René-Lévesque

Par Envoyer un courriel à l’auteur le 12 novembre 2020 Commentaires fermés sur Tramway: 98 arbres condamnés sur René-Lévesque

* Illustrations: Ville de Québec

Stéphanie Martin
Journal de Québec

Sur le boulevard René-Lévesque, ce sont 98 arbres qui sont condamnés à cause du tramway et 88 autres qui sont à risque d’être abattus.

On ne peut rien faire pour les sauver, a expliqué l’équipe de Marie-France Loiseau, directrice du service de la planification, puisqu’ils sont situés dans l’emprise du futur tramway.

La Ville de Québec promet un effort «majeur» de plantation d’arbres au montant de 2,6 millions $ pour le volet tramway seulement, avec l’ajout de 3400 arbres, soit trois arbres remplacés pour un arbre coupé.
Les spécialistes estiment qu’à long terme, grâce à un renouvellement de la plantation, on pourrait voir une canopée aussi imposante que celle qui se dessine tout le long de René-Lévesque, si on est minutieux dans le choix des essences à replanter, notamment en privilégiant des espèces à croissance rapide.

Les nouveaux arbres pourront être replantés sur les terrains privés ou dans un rayon de 10 minutes de marche du tracé du tramway.

Pour l’ensemble du tracé de 22 km, 651 arbres seront abattus et quelque 1000 autres seront à risque. On espère épargner ceux dont les racines seulement seront affectées par le passage du tramway, mais il faudra pour ce faire développer des méthodes innovantes.

D’autre part, la Ville intensifiera ses efforts de plantation sur tout son territoire. Elle injectera en plus 30,2 millions $ d’ici 2027 pour la plantation de 100 000 arbres. Avec une moyenne de 14 000 arbres par année, «on double les efforts de plantation», précise Ghislain Breton, du service de la planification.
On crée aussi un comité des partenaires qui permettra de discuter avec les citoyens et des «parties prenantes» et de les informer des actions à venir.

On va aussi revoir le système d’approvisionnement en établissant des partenariats avec les pépinières pour prévoir d’avance les quantités d’arbres nécessaires au plan de verdissement. La Ville va par ailleurs acheter le terrain du Centre jardin Moraldo à Sainte-Foy. On y créera un site d’expérimentation

L’article

Le communiqué de la Ville. Durant la conférence de presse, le Maire a précisé que le terrain du Centre jardin Moraldo est acheté au coût de 2,1 millions.

Voir aussi : Arbres, Projet - Tramway.

Sillery: pourquoi une «maison monstre» sur les ruines d’un «cottage»?

Par Envoyer un courriel à l’auteur le 12 novembre 2020 Commentaires fermés sur Sillery: pourquoi une «maison monstre» sur les ruines d’un «cottage»?

Baptiste Ricard-Châtelain
Le Soleil

Des citoyens du secteur Sillery veulent relancer le débat sur la transformation de leur quartier par l’implantation de «maisons monstres» sur les ruines de demeures anciennes au gabarit moins ostentatoire. Il est aussi question d’arbres matures abattus.

«On dirait que notre quartier est train de nous glisser comme un tapis sous les pieds», s’inquiète Louise Maheux, copropriétaire d’un bungalow. «Je vois le quartier qui est en train de se transformer complètement. On se demande de quoi ça va avoir l’air dans 10, 15 ans.»

La démolition récente de la maison à deux étages (cottage) du 1300, avenue Pasteur a ravivé les craintes, la colère même. La pelle mécanique a mangé le bâtiment de 1953 il y a peu, puis les émondeurs ont découpé les arbres matures de la cour avant. Voici que la fondation de la future structure donne une bonne idée de ce qui s’en vient.

Rien à redire contre les propriétaires, cependant. Mme Maheux convient qu’ils sont dans leur droit, qu’ils ont obtenu les permis nécessaires.

C’est quoi le problème alors? «C’est la Ville qui ne surveille pas ce que le quartier est en train de devenir», balance Louise Maheux. «Les gens qui veulent de grosses, grosses maisons, on leur permet d’enlever les arbres.»

«Nous on a un bungalow des années 60 qui a été restauré. On a fait un agrandissement vers l’arrière, sans que ça paraisse de la rue», ajoute-t-elle. «C’est une rue de maisons assez raisonnables dans le gabarit.»

Sauf que ces maisons sont assises sur des terrains qui ont pris beaucoup, beaucoup, de valeur. L’ancienne propriété du 1300, avenue Pasteur, par exemple, figurait au rôle municipal à 635 000 $ : 500 000 $ pour le lot, 135 000 $ pour le bâtiment dessus.

Autre exemple, la maison de Louise Maheux, évaluée par la Ville à 725 000 $, dont 575 000 $ pour le sol.

«Je trouve que ça encourage la démolition.»

Toutefois. Plus nous discutons, plus nous comprenons que ce qui a le plus secoué le voisinage, c’est la disparition de deux arbres matures en façade : «C’est ça qui a principalement choqué tout le monde.»

«On ne comprend pas que la ville ait permis l’abattage de ces deux arbres.»

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Voir aussi : Arrondissement La Cité-Limoilou, Résidentiel.

Comment choisir le meilleur trajet de tramway?

Par Envoyer un courriel à l’auteur le 12 novembre 2020 13 commentaires

François Bourque
Le Soleil

Le tracé actuel du tramway a été dessiné avec l’objectif d’obtenir le plus grand achalandage possible à toute heure du jour.
On y retrouve donc sans surprise les grands générateurs de déplacements que sont le centre-ville de Ste-Foy, l’Université Laval, la colline parlementaire, St-Roch et Limoilou.

On retrouve dans ce corridor de grands édifices à bureaux, des centres commerciaux, hôpitaux, établissements d’enseignement secondaires et supérieurs, de nombreuses salles de spectacles, des hôtels et la porte d’entrée du Vieux-Québec. Sans parler d’une forte concentration de logements.

Cartes, tableaux et graphiques à l’appui, le Bureau de projet du tramway vient de refaire, si besoin était, la démonstration que ce corridor n’a pas été choisi au hasard mais sur la base de données factuelles solides.

Dans une logique de recherche d’achalandage, il allait de soi de choisir ce corridor pour la colonne vertébrale du réseau structurant.

Dans un monde idéal, on aurait aimé peut-être une desserte plus directe de l’édifice du Revenu à Marly ou de Expo-Cité, qui sont aussi des générateurs de déplacements significatifs.

Des considérations de coûts, de vitesse du tramway et un arbitrage entre différents générateurs de déplacements dans Limoilou ont alors pesé. La trajectoire générale du tramway n’était cependant pas remise en cause.

Je ne me souviens pas d’ailleurs, avoir entendu que ce tronçon central du tramway ait soulevé beaucoup d’objections.

La logique du plus grand achalandage possible aurait-elle dû mener aussi le tramway à Lebourgneuf ou à d’Estimauville plutôt que vers l’Ouest ou vers Charlesbourg?

C’est l’hypothèse que sous-entend le BAPE lorsqu’il invite à revoir le trajet du tramway. Une hypothèse endossée par (quelques) universitaires et à laquelle semble s’intéresser le gouvernement Legault.

Il n’est pas farfelu, au contraire, de penser que d’Estimauville aurait pu se trouver sur la ligne principale du tramway à la place (ou en addition) de la ligne de Charlesbourg.

Les deux destinations étaient d’ailleurs desservies dans la version antérieure du projet de tramway/SRB du début des années 2010.

Selon l’enquête Origine-Destination 2017, environ 25 000 déplacements par jour à destination de Québec proviennent de l’Est (Ile d’Orléans, Côte de Beaupré, etc). Pour tous ceux-là. D’Estimauville aurait pu être une belle porte d’entrée dans le tramway.

Il n’aurait pas été farfelu non plus d’imaginer Lebourgneuf sur la ligne principale du tramway.

Lebourgneuf est aussi un des principaux générateurs de déplacements sur la rive nord.

L’hypothèse d’un lien direct avec le centre-ville est devenue encore plus intéressante avec l’annonce récente d’un nouveau quartier multifonctionnel à Fleur de Lys.

Le problème est que le Bureau de projet n’a jamais poussé l’analyse pour les «variantes» Lebourgneuf ou d’Estimauville.

On peut le regretter, le déplorer, le critiquer. Mais entreprendre ces analyses maintenant aurait des conséquences lourdes sur l’échéancier du tramway et par conséquent, sur ses coûts.

Au moins 30 mois de plus, plaide Daniel Genest, directeur du Bureau de projet. C’est le temps qu’il a fallu pour développer les lignes vers Charlesbourg et vers l’Ouest. Il en faudrait autant pour élaborer de nouveaux scénarios.

Cela dit, la ligne de Charlesbourg n’a pas été dessinée au hasard et ce n’est pas parce qu’il y a d’autres scénarios intéressants que c’était un mauvais choix.

Il est un fait qu’en son extrémité, la densité de population y est moindre, ce qui semble aller à l’encontre de l’objectif d’un maximum d’achalandage.

Mais cette ligne est aussi destinée à «intercepter» les voyageurs qui arrivent du nord (Lac Beauport, Stoneham, etc). On pense à 22 000 déplacements par jour, selon l’étude Origine-Destination de 2017.

Il n’était donc pas farfelu de choisir une ligne vers Charlesbourg. Il s’en trouve même pour penser que cette ligne gagnerait à aller encore plus loin vers le nord pour séduire un nombre accru de voyageurs.

***

Le choix du tronçon de l’ouest vers le secteur Chaudière procède d’une toute autre logique.

Il vise aussi à intercepter des voyageurs à leur entrée en zone urbaine (17 000 par jour en provenance de St-Augustin et de la MRC de Portneuf). Ce n’est pas négligeable. Vont aussi s’ajouter les clientèles du futur quartier résidentiel que la ville de Québec veut y construire.

Mais l’argument premier est ailleurs. Il est dans la nécessité d’un garage/atelier pour les wagons de tramway quelque part sur le trajet.

Chaudière est le seul secteur avec des terrains assez grands pour accueillir un tel bâtiment. On ne va quand même pas raser le boisé Marly pour loger le garage du tramway. Et on ne l’imagine pas davantage au centre-ville.

Couper le tronçon Chaudière est donc tout simplement impossible, insiste M. Genest.

Cela dit, Chaudière n’est pas un secteur parfait, car il implique de nouvelles infrastructures dans des milieux humides.

On risque aussi d’encourager l’étalement urbain vers l’ouest, fait valoir Fanny Tremblay-Racicot, professeur en administration municipale et transport urbain à l’ENAP.

Sans doute, mais suivre ce raisonnement, c’est se condamner à ne rien faire. C’est accepter qu’un nombre grandissant de voitures venant de l’ouest va continuer à alourdir le trafic à Québec sans possibilité pour les voyageurs de faire autrement.

***

Je vous parle depuis le début de cette chronique de choisir les trajets avec l’objectif d’obtenir le plus grand achalandage possible. Il y a là beaucoup de bon sens et de logique, mais d’autres approches sont possibles.

Celle de Québec dans la version précédente du tramway/SRB, par exemple. L’administration Labeaume avait alors fait le choix délibéré de passer la ligne de tramway dans le secteur déstructuré de l’ouest du boulevard Charest, plutôt qu’en haute-ville.

L’objectif alors recherché était d’utiliser le tramway pour reconstruire ce secteur et y attirer de nouveaux résidents, plutôt que de répondre aux besoins de déplacements existants.

***

Depuis quelques mois, une autre approche se dessine, de plus en plus perceptible. Celle de redessiner le réseau de transport structurant (et son tramway?) pour mieux desservir la couronne de Québec. Et les sensibilités politiques des élus de la CAQ.

Nous serons tous d’accord pour améliorer l’offre de service vers les couronnes si on veut y convaincre des automobilistes d’utiliser le transport en commun.

Le RTC le pense aussi, lui qui a déposé en juin dernier un plan consistant d’amélioration du service dans les couronnes.

Les coûts associés à ce plan ne sont pas inclus dans le budget du tramway et devront, pour l’essentiel, être assumés par le provincial ce qui est un irritant pour le gouvernement Legault, me dit-on.

Le BAPE a pris note du plan du RTC, mais ne semble pas croire que cela suffit. Le gouvernement Legault semble trouver aussi que c’est insuffisant, si on se fie aux déclarations récentes des ministres Bonnardel et Guilbault.

Il va falloir que le gouvernement se fasse une idée. Il ne peut pas exiger d’un côté plus de services et de l’autre, s’entêter à plafonner les budgets.

Jusqu’où peut-on «détourner» la trajectoire du réseau structurant pour desservir les couronnes «politiques» de Québec?

La question est intéressante. Il est pratique courante que des administrations publiques choisissent des trajets pour des motifs autres que la recherche d’achalandage.

Tous les jours, en fait, en maintenant des autobus presque vides parce qu’il convient d’offrir un service «essentiel» à ceux qui n’ont pas d’autres moyens de transport. C’est un motif politique très valable.

Des trajets sont aussi maintenus ou créés pour plaire à des commettants qui arguent qu’ils paient des taxes comme les autres et ont droit à un service, même si statistiquement, le nombre ne le justifie pas. Cela se défend aussi.

Je pense que la posture actuelle des élus de la CAQ s’explique par le besoin de démonter à leurs commettants, réticents (ou opposés) au tramway, qu’il y a quelque chose pour eux aussi dans le projet de transport structurant. C’est un argument tout à fait valable.

Ce qu’on ne voudrait pas cependant, c’est de revoir pour le transport en commun, la même mécanique tordue que pour les plans d’autoroutes de Québec à une certaine époque.

Celle où, au mépris du bon sens, des besoins de circulation (et parfois de la sécurité), on ajoutait des sorties pour faire plaisir à des élus. On pourrait mettre un nom sur certaines de ces sorties, m’a déjà raconté un planificateur en transport de la ville de Québec.

L’article

Voir aussi : Projet - Tramway.

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